Le contrat constitue l’un des rouages essentiels de la vie en société. Pour se nourrir, se loger, se vêtir, se déplacer ou encore se soigner, chacun conclut des contrats variés : vente, bail, contrat de travail, contrat de transport, etc. Le contrat n’est pas nécessairement écrit, ainsi lorsque vous achetez du pain chez votre boulanger, vous allez déterminer l’objet du contrat (la fourniture d’une baguette pas trop cuite), du prix, et vous obtenez votre baguette contre le paiement du bien.
Définition juridique du contrat
Le code civil définit le contrat comme “ un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations.” (art 1101). Le contrat est donc la rencontre de deux volontés, qui créent des droits et des obligations aux contractants.
Le contrat a une force obligatoire
Le contrat a une force obligatoire définie par l’article 1103 du code civil “Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits équivalente à celle de la loi,”. Par conséquent, les parties (signataires) sont contraintes à respecter les engagements souscrits. Une inexécution partielle ou totale de ces obligations constitue une faute, qui engage la responsabilité du contractant défaillant.
Le principe : la liberté contractuelle
Pendant de cette obligation, la liberté est totale “Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi.” (art 1102 du code civil) Ce principe dit « de la liberté contractuelle » recouvre donc quatre composantes : liberté de contracter ou non, liberté de choisir son contractant, liberté de fixer le contenu du contrat, liberté de choisir la forme du contrat. En effet, la forme du contrat est en principe libre. Tous les modes d’expression de l’accord des volontés sont donc admis : écrit, bien sûr, mais aussi parole et même geste (le bras levé dans une vente aux enchères, par exemple). Ce principe souffre néanmoins plusieurs exceptions (par exemple, les statuts d’une société sont obligatoirement établis par écrit).

L’effet relatif du contrat
Par ailleurs, le contrat n’engage que les parties. Il n’est pas possible pour deux contractants de créer une obligation pour un tiers. L’article 1199 du Code civil dispose : « Le contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties. Les tiers ne peuvent ni demander l’exécution du contrat, ni se voir contraints de l’exécuter […]. »
Le contrat est soumis au principe de bonne foi
l’article 1104 du Code civil dispose que “Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.” Le caractère d’ordre public signifie que ce principe de bonne foi est incontournable, les parties d’un contrat ne pourraient s’y soustraire même par un accord commun.
La bonne foi intègre les idées de loyauté et de coopération.
Conditions de validité du contrat
L’article 1128 du Code civil énonce les conditions essentielles d’un contrat valablement formé :
- Le consentement libre des parties
- leurs capacités de contracter
- Un contenu licite et certain.
Tout vice de consentement entraîne alors la nullité du contrat. Celui-ci est réputé n’avoir jamais existé, et les parties doivent être remises dans l’état qui était le leur avant la conclusion du contrat litigieux.

Le consentement libre des parties
“L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.” article 1130 du code civil.
La violence
Le consentement libre est non conclu sous la contrainte. La contrainte exercée sur une partie pour l’amener à contracter est appelée violence (art. 1140), et réside dans la crainte exercée sur sa personne, sa famille ou sa fortune. Il n’y a pas d’erreur de la victime, son consentement est donné en connaissance de cause, mais une contrainte la pousse à s’engager, sans laquelle il n’y aurait eu de consentement. Pour que le consentement ainsi obtenu soit vicié, il faut que la violence soit suffisamment grave et injuste. Cette violence peut être exercée par un tiers au contrat.
La violence peut résulter également d’une dépendance (art 1143 du code civil). Aux termes de cet article, il y a également violence dès lorsqu’une partie abuse de l’état de dépendance de l’autre partie afin d’obtenir un engagement de celle-ci qu’elle n’aurait pas souscrit en l’absence de cet état et afin d’en tirer un avantage excessif.
Le dol
Le contractant trompé par des manœuvres, des mensonges des réticences émanant du cocontractant et commis intentionnellement est victime d’un dol (art. 1137). Le silence d’une partie, dissimulant un fait, qui s’il avait été connu par l’autre partie, l’aurait empêché de contracter constitue un dol (réticence dolosive).
L’erreur
L’erreur (art. 1132) est une fausse représentation de la réalité. Pour que l’erreur soit prise en considération en tant que vice de consentement, plusieurs conditions sont nécessaires :
- l’erreur porte sur la substance de la chose (dans ses qualités essentielles) ou sur la personne du contractant lorsque la considération est la cause principale du contrat, tel le contrat intuitu personae.
- L’erreur doit avoir été déterminante du consentement et excusable.
La protection contre l’erreur : les règles spécifiques au e-commerce
Le double clic
Selon l’article 1127-2 du Code civil, le contrat numérique n’est valablement conclu que si le destinataire de l’offre a eu la possibilité de vérifier le détail de sa commande et son prix total, (premier clic) et de corriger d’éventuelles erreurs avant de confirmer celle-ci pour exprimer son acceptation définitive (second clic) . Cette procédure dite « du double-clic » est destinée à protéger le cyberacheteur des erreurs de manipulation et de s’assurer qu’il s’engage en parfaite connaissance de cause, notamment concernant les frais de port. Le vendeur doit confirmer la commande de manière immédiate.
Le droit de rétractation
Le consommateur bénéficie par ailleurs d’un droit de rétractation par l’article L221-18 du Code de la consommation. Ce dernier permet à l’acheteur de revenir sur sa décision d’achat en renvoyant la marchandise afin d’en obtenir le remboursement sans pénalités. Le consommateur doit exercer son droit de rétractation (en informant le professionnel) au plus tard dans les 14 jours de la date de réception de la commande.
Contrairement au régime de droit commun, le consommateur n’a pas à prouver une erreur sur les qualités substantielles de la chose, cette rétractation est sans motif.
L’obligation d’information pré-contractuelle
Cette obligation d’information est consacrée par l’art 1112-1 du code civil : Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. (…) Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.
Ce devoir d’information est général. Une obligation renforcée existe dans le cadre des contrats de consommation, à savoir les contrats passés entre un consommateur et un professionnel (voir plus bas, à propos des obligations spécifiques du professionnel envers le consommateur).
Les capacités de contracter
La capacité juridique d’une personne physique est l’aptitude de cette personne à exercer ses droits et obligations. En ce qui concerne les personnes physiques, les mineurs, sous l’autorité d’un représentant légal, sont déclarés faisant l’objet d’une incapacité juridique, jusqu’à leur majorité ou leur émancipation. Concernant les majeurs, la loi prévoit qu’en raison de leur incapacité physique ou mental, certaines personnes se voient retirer la totalité ou une partie de leur capacité d’exercice en étant placée sous un régime de protection spécifique, tels que la sauvegarde de justice, la curatelle ou tutelle.
Concernant les personnes morales, seuls les représentants légaux ou les personnes ayant reçu une délégation de pouvoirs par le représentant légal, peuvent engager une société. L’article 1156 du Code civil dispose ainsi que l’acte accompli par un salarié de l’entreprise sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est nul et inopposable au représenté. (L’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté.)
Toutefois, une société doit vérifier que la personne signataire du contrat a bien l’habilitation ou la délégation de pouvoirs pour ne pas se retrouver engagée par un acte conclu par une personne se présentant comme mandataire apparent mais n’ayant aucun pouvoir de signer de contrat.
Un contenu licite et certain
1/ Un contenu licite
Un contrat ne peut encadrer une activité interdite par la loi, ou se soustraire à la loi par les engagements souscrits. L’article 1162 dispose que “Le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties.” L’article 1102 dispose ainsi que “La liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l’ordre public.” Pour être valable, le contrat ne peut porter sur des prestations interdites à la loi (mise à la disposition d’un corps physique, comme la gestation pour autrui ou la prostitution par exemple), ou sur des biens interdits (narcotiques, armes à feux etc).
2/ Un contenu certain
Le droit prévoit que l’engagement des parties doit être certain, la portée de leurs engagement doit donc être déterminés ou déterminables. L’article 1163 du code civil dispose ainsi que “L’obligation a pour objet une prestation présente ou future. Celle-ci doit être possible et déterminée ou déterminable.” On parlera ici de la chose, l’objet du contrat, et du prix qui en constitue la contrepartie dans un contrat onéreux. Le caractère déterminable est précisé dans l’alinéa 3 de l’article 1163 : « La prestation est déterminable lorsqu’elle peut être déduite du contrat ou par référence aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu’un nouvel accord des parties soit nécessaire. »
La chose
La chose est l’objet du contrat, ce qu’une partie au contrat s’oblige à donner (ex. : transférer la propriété d’un bien comme de la matière première ou de la marchandise), à faire (délivrer une prestation particulière, comme la comptabilité ou la gestion d’un site web) ou à ne pas faire (s’abstenir de louer un local commercial à proximité de l’ancien cédé). La chose doit être déterminée ou au moins déterminable sur des usages ou des éléments objectifs ne relevant pas de la volonté unilatérale de l’une des parties.
Le prix
Le prix là aussi doit être déterminé (100 euros) ou déterminable (prix d’une pièce détachée, coût horaire de la main d’oeuvre, temps de réparation estimé pour un garage automobile par exemple).
Pour les contrats à exécution successive, encore appelés « contrat de longue durée », la détermination du prix est difficile, voire impossible, à la conclusion du contrat (exemple des contrats d’approvisionnement sur le long terme, des ventes de marchandises avec livraison retardée…). Le prix, dans ces cas-là, résulte d’éléments extérieurs aux parties et ne dépendant pas de leur volonté (indice de référence, cours de matières premières sur le marché). Ainsi, par exemple, pour un contrat de bail, la revalorisation du loyer (l’indemnité d’occupation) est déterminée par un indice (l’indice de référence des loyers), et non pas par la simple volonté du propriétaire du lieu loué.
En l’absence de prix et en cas de désaccord entre les parties, le juge interviendra pour fixer le prix.
Les conséquences d’une invalidation du contrat
Si l’une des conditions de validité du contrat fait défaut, la sanction est la nullité du contrat. Les conditions d’existence du contrat n’ayant pu être réunies, le contrat est réputé ne jamais avoir existé. La nullité entraîne la disparition de tous les effets du contrat, les parties doivent alors être remises en dans l’état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat annulé, avec, si c’est possible, les restitutions qui en découlent (paiement, bien etc)…
Il s’agit ici d’une nullité relative, seule l’une des parties au contrat peut demander l’annulation de celui-ci, contrairement aux cas de nullité absolue où toutes personnes justifiant d’un intérêt peut demander cette annulation. L’article 1179 précise les cas de nullité relative ou absolue, il dispose en effet que » La nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général. Elle est relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé. »
L’équilibre contractuel fait peser des obligations spécifiques sur le professionnel envers le consommateur.
Le contrat de consommation
Le contrat de consommation est un contrat passé entre un professionnel et un consommateur.
- Le professionnel est une personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.
- Le non professionnel est une personne morale qui n’agit pas à des fins personnelles
- Le consommateur est une personne physique qui agit à des fins n’entrant pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.

Le code de la consommation prévoit ainsi un devoir d’information renforcé pour les contrats passés entre professionnels et consommateurs, Le professionnel doit ainsi s’assurer que les clauses des contrats soient présentées et rédigées de manière claire et compréhensible. En cas de doute, ces clauses seront interprétées dans le sens le plus favorable au consommateur.
La prohibition des clauses abusives
De même, toute clause du contrat de consommation qui restreint significativement les droits des
consommateurs ou accroît ceux des professionnels est qualifiée d’abusive. Une clause est abusive lorsqu’elle crée, au détriment du consommateur (ou du non-professionnel), un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. La clause judiciairement déclarée comme abusive est alors inapplicable Si cette clause est déterminante pour la survie du contrat, le contrat est annulé.
Le devoir d’information
Avant de conclure un contrat, le professionnel vendeur ou prestataire de service doit informer le consommateur sur certains points de l’engagement qui lui est proposé. Cette obligation d’information précontractuelle permet au consommateur de s’engager en toute connaissance de cause, et rééquilibre l’asymétrie de connaissances entre le professionnel et le profane.
Le professionnel doit ainsi s’assurer que les clauses des contrats soient présentées et rédigées de manière claire et compréhensible. En cas de doute, ces clauses seront interprétées dans le sens le plus favorable au consommateur. Parmis les informations obligatoires,
- les caractéristiques essentielles du bien ou du service ;
- le prix du bien ou du service et les conditions de la vente ou de l’exécution du service ;
- en l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
- les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques, à ses activités, etc.
En cas de litige, il appartient au professionnel de prouver qu’il a exécuté ses obligations.
Liberté contractuelle et clauses relative à l’exécution du contrat.
Les parties peuvent librement décider des conditions de leur engagement, de la durée du contrat, de son renouvellement etc, mais elles peuvent également via des clauses anticiper des difficultés dans l’exécution du contrat. On peut citer ainsi trois grands types de clauses.
LA CLAUSE LIMITATIVE DE RESPONSABILITÉ
La clause limitative de responsabilité limite la responsabilité du débiteur de l’obligation inexécutée. Elle est valable dans le principe dans les relations contractuelles entre professionnels et permet pour les deux parties d’anticiper les conséquences de l’inexécution de leurs obligations, sauf cas de faute dolosive (faute intentionnelle) ou faute lourde (grave négligence).
LA CLAUSE DE RÉSERVE DE PROPRIÉTÉ
La clause de réserve de propriété stipule que la propriété dans un contrat de vente ne sera pas transmise au moment de la formation du contrat, ce qui est le principe en droit contractuel, mais à un autre moment, par exemple au paiement complet du prix. Ceci permet de récupérer son bien si on n’est pas payé. Ceci même en cas de liquidation judiciaire de l’entreprise, dans la mesure où le propriétaire peut revendiquer son bien, qui échappe alors aux autres créanciers du débiteur en liquidation judiciaire.
LA CLAUSE PÉNALE
La clause pénale permet d’obtenir une somme à titre de dommages-intérêts en cas d’inexécution d’une obligation de son partenaire sans avoir à intenter une action en justice. L’article 1152 du Code civil admet la validité de cette clause, mais donne la possibilité au juge d’« augmenter ou modérer la peine […] si elle est manifestement excessive et dérisoire ». Ceci constitue une limite à la force obligatoire du contrat.
