Les entreprises définissent leur identité à travers leur métier. Ce métier résulte d’une combinaison de savoir-faire et de compétences distinctives adaptés à un marché ou à un secteur d’activité particulier. Pour réaliser cette mission de production de biens et de services, les entreprises mobilisent également un ensemble de ressources de différentes natures matérielles, financières, immatérielles et humaines. Les ressources humaines sont donc un élément clé de la conduite d’une stratégie, et leur pilotage détermine l’avantage concurrentiel de chaque entreprise, et ce d’autant plus que les entreprises évoluent dans un environnement légal, technologique etc en évolution constante. Les entreprises doivent réagir à cet environnement et anticiper les évolutions de leurs ressources humaines, tant en termes d’effectif que de capital humain.
La gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) est une méthode de gestion visant à anticiper et adapter à court et moyen terme les ressources humaines d’un point de vue quantitatif , (taille de l’effectif) et qualitatif (type d’emploi et compétences), en fonction des contraintes de l’environnement et des choix stratégiques de l’entreprise.
Au delà d’être une méthode, la GPEC est également une obligation légale en France posée par l’article L2242-15 du code du travail pour les entreprises de plus de 300 salariés dans un but de prévention des mutations économiques. La GPEC est donc un outil au service de l’adaptation de l’emploi, de sa protection ainsi qu’un outil de performance des entreprises.
La mise en oeuvre d’une GPEC
La gestion prévisionnelle des emplois et compétences est un processus continu en quatre étapes.

La définition des objectifs
Les objectifs de la GPEC sont d’assurer l’adaptation des ressources humaines aux évolutions de son environnement, légal, technologique, économique et des stratégies mises en œuvre par l’entreprise. Les ressources humaines vont donc s’analyser d’un point de vue quantitatif, que ce soit la taille de l’effectif par rapport au besoin, ses caractéristiques générales, mais aussi d’un point de vue qualitatif par la montée en compétences, l’adaptation des compétences à celles de l’emploi etc

On peut donc citer les principaux objectifs suivants
- Anticiper l’adaptation des compétences aux emplois
- développer la qualification des salariés
- Optimiser les dispositifs de formation
- développer les mobilités professionnelles
- Améliorer les gestions de carrières
- Accompagner les changements dans l’organisation (nouvelle stratégie, nouveau métier…)
- réduire les difficultés de recrutement
- Résoudre un sureffectif
- faire face à la pyramide des âges
Les évolutions prévisibles des ressources humaines
La pyramide des âges
La pyramide des âges représente la répartition par sexe et âge de l’effectif à un instant donné. Une pyramide des âges élevée indique ainsi que l’entreprise doit anticiper tout d’abord des départs “naturels”, par des départs à la retraite, mais aussi de prévenir et d’anticiper des absences futures. En effet, plus l’âge de la population de l’entreprise augmente, plus le risque de développer des pathologies (cardiovasculaire, cancer augmente également). Par exemple, si 10% de l’effectif est âgé de plus de 60 ans, c’est 10% de l’effectif qui va disparaître, et donc une compétence liée à l’expérience qui se doit d’être transmise, et une politique de recrutement à définir.
A l’inverse, une population jeune implique des absences pour maternité ou de congé parental, mais aussi des attentes plus fortes en termes de mobilité interne pour une progression de carrière… Une absence de perspective conduira ainsi à davantage de départs.
Le turn-over, ou taux de rotation du personnel
Le taux de rotation permet d’apprécier la faculté de l’organisation à garder ses salariés et d’analyser les mouvements du personnel. Il est déterminé à partir de la moyenne des mouvements d’entrée et de sortie par rapport au nombre de salariés présents en début de période.
(embauches plus départ)/2/Nombre de salariés en début de période
Un taux de rotation de 5% indique ainsi que 5% de l’effectif a changé sur l’année. Si ce taux de rotation est un taux moyen, il indique le nombre d’embauches à réaliser sur la période simplement pour maintenir l’effectif à sa taille initiale.
De même, il est révélateur du climat social de l’entreprise et de la capacité de l’entreprise à fidéliser ses collaborateurs.
Les prévisions d’activité
De manière classique, les perspectives de croissance déterminent les besoins futurs de main-d’œuvre. Une entreprise en fort développement va ainsi devoir recruter de nouveaux salariés pour assurer la production accrue de biens ou de services, qu’elle soit temporaire, saisonnière ou normale. Il convient cependant de distinguer deux hypothèses de croissance :
- la croissance intensive, basée sur l’augmentation de la productivité par une optimisation des facteurs de production (ou comment produire plus avec les mêmes quantités de travail et de capital)
- la croissance extensive, qui nécessite de mobiliser davantage de capital et de travail, car la simple productivité ne suffit pas à répondre à l’accroissement de la production..
Par exemple, si une entreprise vend 100 pièces en N, puis 102 pièces en N+1, une hausse de la productivité de 2% permet de produire ces quantités supplémentaires avec le même stock de travail. A l’inverse, si la productivité n’est que de 1%, l’entreprise ne pourra pas produire 102 pièces, mais 101, sans recourir à de l’embauche supplémentaire.
Les prévisions d’activité, combinées à la productivité, permettent donc d’établir les besoins futurs en personnel, mais aussi les modalités pour y répondre (heures supplémentaires, travail temporaire, CDD ou embauches en CDI).
Le développement de l’adaptabilité et de l’employabilité du personnel
La formation professionnelle a pour but de stimuler l’employabilité (capacité à occuper un emploi des salariés) des salariés, dans leur emploi ou dans un autre emploi, mais aussi de bénéficier de promotions.
Mais c’est aussi une obligation légale pour l’entreprise, posée par l’article L6321-1 du code du travail “ L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
La formation s’applique également à la sécurité des salariés, l’employeur étant garant de la sécurité de son personnel. Cette obligation est posée par l’article L4121-1 du code du travail, qui dispose que ‘ L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L’entreprise doit donc entreprendre des actions de formations de manière cyclique.
L’impact de la stratégie de l’entreprise sur les ressources humaines
« La stratégie de l’entreprise est l’art de construire des avantages concurrentiels durablement défendables » Porter (1982)
L’avantage concurrentiel est basé à la fois sur les ressources et les compétences distinctives de l’organisation.
L’organisation va ainsi chercher à développer ses ressources uniques : elles ont un potentiel stratégique et se transforment en avantage concurrentiel. Cet avantage peut provenir de la valeur que représente la ressources pour les clients (ex : la marque), de l’exclusivité de sa détention (rareté, difficulté d’imitation et de substitution) le but est de valoriser l’exploitation de ces ressources et de les combiner mieux que les concurrents pour faire la différence aux yeux des clients.

Autre élément de l’avantage concurrentiel, les compétences distinctives de l’entreprise. Ces compétences sont fondamentales pour l’organisation car elles la différencient de façon stratégique pour obtenir un avantage concurrentiel (ex : expertise technologique) par rapport aux concurrents et qu’elle est la seule à les posséder.

Une compétence qui requiert une combinaison complexe de ressources assure un avantage concurrentiel durable, sa technologie sera difficile à constituer et à imiter. Les ressources humaines sont donc au cœur de cet avantage concurrentiel. Cependant la définition de nouvelles stratégies pour l’entreprise (nouveau marché, nouveau métier, etc) impacte les ressources humaines. La croissance d’une entreprise nécessite ainsi de recruter, de nouveaux processus de coordination, de supervision, voire de nouvelles compétences en cas de changement de métier (nouvelle activité) ou de transformation numériques. La stratégie de l’entreprise peut donc créer un décalage imprévu entre ses besoins futurs d’effectifs (taille et compétences) et l’existant, qui sera identifié lors du diagnostic..
Etablir un diagnostic des ressources humaines
Le diagnostic des ressources humaines a pour objectif d’identifier les écarts entre l’existant et les objectifs à atteindre. La GPEC est donc de nature prospective, elle s’inscrit dans un horizon. A ce titre, l’entreprise est confrontée à des évolutions prévisibles de sa main d’œuvre, mais aussi des évolutions liées à des stratégies qui peuvent nécessiter des transformations plus importantes.
L’entreprise va ainsi mobiliser les données de son système d’information RH via notamment ses tableaux de bords. Le diagnostic va passer notamment par le recensement des métiers et l’analyse des fiches métiers. Les fiches métiers déterminent à la fois la qualification du métier et les compétences attendues.
La qualification est attachée au poste de travail. Celui-ci est analysé et décomposé en tâches. L’étude de ces tâches (plus ou moins complexes) et leur description dans une fiche de poste mettent en évidence la qualification attendue (type de diplôme par exemple) pour ce poste.
A cette démarche qualification, s’ajoutent une approche compétences. La compétence caractérise l’individu : ce n’est pas le poste de travail qui est analysé mais les capacités d’un individu pour l’occuper. Pour ce faire, sont analysés :
- le savoir, c’est-à-dire ses connaissances générales et professionnelles. Exemples : détenir un BTS, un Master 2,
- le savoir-faire, c’est-à-dire ses aptitudes professionnelles. Exemples : savoir gérer un parc automobile, savoir gérer les stocks, savoir administrer des soins.
- le savoir-être, c’est-à-dire ses qualités comportementales et relationnelles. Exemples : savoir communiquer, savoir travailler en équipe, savoir faire preuve d’initiative.
Par exemple, une entreprise décide d’engager sa transformation numérique, et deux de ses cadres partent à la retraite dans l’année. Cette transformation numérique se concrétise par le lancement d’un site de e-commerce, le développement du cloud pour faciliter le télétravail et la création d’une base de données unique pour éviter des informations en doublons ou des saisies inutiles. Le diagnostic va permettre de poser un certain nombre de questions :
le remplacement des cadres
- Promotion interne? Recrutement externe?
- Suppression de poste via une réorganisation des tâches?
- Si promotion interne, quel salarié, quelles formations à mettre en œuvre?
Le e-commerce
- Quelles tâches seront à réaliser (promotion du site, gestion, maintenance, animation commerciale, logistique, suivi client, SAV, sécurité informatique…)
- Quelles sont les compétences nécessaires à la réalisation de ces tâches?
- Qui pour les réaliser? Quelle répartition? L’effectif est-il suffisant?
Le développement du cloud
- Quelles sont les compétences numériques des collaborateurs? Quelles mesures pour l’appropriation de nouveaux logiciels?
- Qui pour assurer la maintenance et le fonctionnement réseau? L’entreprise a-t-elle les compétences en interne?
Le diagnostic est donc nécessaire pour identifier les écarts entre le réel et les buts à atteindre. Cette définition pose des questions dont les réponses seront définies par le plan d’action.
Définition et mise en oeuvre du plan d’action
Le plan d’action a pour fonction de sélectionner les solutions possibles pour réduire ces écarts, mais surtout comment et sous quel délai y parvenir.
Si on reprend notre exemple précédent, l’entreprise parmi les multiples solutions pourra choisir les suivantes :
Remplacement des départs en retraites :
- promotion interne sur un poste de cadre plus formation au management
- recrutement externe sur le second poste de cadre
- recrutement externe en remplacement du salarié promu, avec nouvelle fiche de poste pour y intégrer la gestion commerciale du e-commerce
Cloud et télétravail
- Communication interne
- Formations aux nouveaux logiciels
- formation à la sécurité informatique
- Mise en oeuvre d’accords de télétravail
- recrutement en CDI de mission pour la mise en oeuvre du site web et solutions de cloud
- recours à un prestataire externe pour la gestion du réseau etc…
Ce plan d’action combine différents outils, mobilise des ressources et définit des délais de réalisation, qui seront évalués à partir de critères précis lors de la phase de contrôle..
Le contrôle
Le contrôle a pour vocation de vérifier que les efforts déployés par l’organisation concourent efficacement à la réalisation des objectifs fixés. En raison de l’incertitude liée à la réalisation de la GPEC, celle-ci réclame un contrôle tout au long du processus mise en œuvre, à l’aide d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs. Ces critères quantitatifs peuvent être le nombre de salariés, le turnover, la masse salariale consacrée à la formation, la montée en compétences, l’adaptation au changement pour les critères qualitatifs.
En cas de non-respect des objectifs, les organisations se doivent de réagir par la mise en œuvre d’actions correctrices.