Droit Le travail terminale

Contrat de travail et contrat d’entreprise

La liberté du travail est la faculté reconnue à tout homme de travailler ou non et d’exercer la profession de son choix (article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 « toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage ».)

Le droit à l’emploi est un principe reconnu dans le Préambule de la Constitution de 1946, « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ». Il implique l’engagement de la part de l’État de pratiquer une politique de plein-emploi.

La liberté d’entreprendre est un principe fondamental affirmé par la Constitution de 1958. Elle consiste à pouvoir créer librement une activité économique et  à exercer une profession. Ainsi, il est possible pour toute personne physique ou morale de s’installer en créant, en acquérant et en organisant une entreprise. Elle est issue du décret d’Allarde des 2-17 mars 1791.

L’exercice du travail selon la forme salariée ou indépendante se révèle ainsi très différentes.

Le contrat de travail

Le contrat de travail est une convention par laquelle une partie au contrat s’engage à fournir une prestation de travail (le salarié), contre  rémunération, sous la subordination de l’autre partie (l’employeur).

Pour être qualifié de contrat de travail, le contrat doit donc comporter trois éléments :

  • la prestation de travail (obligation principale du salarié) ;
  • la rémunération (obligation principale de l’employeur) ;
  • le lien de subordination 

Le lien de subordination est d’origine jurisprudentielle. Il est ainsi défini par la Cour de Cassation comme l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres, des directives et les horaires, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. (Cour de cassation, chambre sociale, 13 novembre 1996.)

Le lien de subordination place donc le salarié sous l’autorité de l’employeur. Cette autorité va se manifester par l’exercice d’un pouvoir de l’employeur sur le salarié.

Subordination et pouvoirs de l’employeur

Il est reconnu à l’employeur l’exercice de trois pouvoirs : 

  • pouvoir de direction
  • pouvoir réglementaire
  • pouvoir disciplinaire

Ces pouvoirs découlent directement du lien de subordination : 

Pouvoir de direction

Le pouvoir de direction est défini comme la capacité de de donner des ordres, des directives et les horaires, d’en contrôler l’exécution. Par son pouvoir de direction, l’employeur peut déterminer les conditions de travail, à savoir les tâches à réaliser, les objectifs, les horaires, les jours de travail, les planning ou encore l’affectation occasionnelle d’un salarié, en dehors de son secteur géographique pour une durée limitée, motivée par l’intérêt de l’entreprise (Cass. soc 3 févr. 2010 n° 08-41412). 

L’employeur décide unilatéralement des conditions de travail du salarié. L’employeur n’est soumis à aucune procédure légale particulière : il informe le salarié concerné dans un délai raisonnable. Le contrat de travail se poursuivra aux nouvelles conditions. Le salarié ne pourra pas refuser ces modifications, sans commettre de faute. Étant soumis à l’autorité de son employeur, il doit obéir.

Conséquence de ce pouvoir de donner des instructions, objectifs, horaires etc, l’employeur a le droit de contrôler les agissements du salarié et de vérifier la bonne exécution de ses directives. 

Pouvoir réglementaire

Le contrat tient lieu de loi à ceux qui l’ont souscrit, mais l’employeur peut édicter des normes, des règlements s’appliquant à l’ensemble des salariés, de manière générale et indifférenciée, sans procéder à un avenant au contrat. Il agit alors par le règlement intérieur de l’entreprise. Ce dernier est obligatoire dans les entreprises ou établissements employant au moins 50 salariés depuis le 1er janvier 2020. 

Le règlement intérieur, obligatoirement écrit, fixe exclusivement :

  • les règles générales et permanentes relatives à la discipline (conditions de circulation dans ou en dehors de l’établissement, respect de l’horaire de travail, tenue de travail ou équipements de sécurité…) 
  • la nature et l’échelle des sanctions (avertissement, mise à pied, …). 
  • les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l’entreprise ou l’établissement, 

Il doit également rappeler les dispositions relatives aux droits de la défense des salariés (procédure disciplinaire) définis aux articles L. 1332-1 à L. 1332-3 du code du travail ou par la convention collective applicable ; les dispositions relatives aux harcèlements moral et sexuel et aux agissements sexistes prévues par le code du travail.

Le pouvoir disciplinaire

Particularité du contrat de travail, l’employeur peut sanctionner unilatéralement le salarié. Alors que les principes contractuels applicables au contrat prévoient une mise en demeure, et ou l’intervention d’un juge (exécution forcée par exemple) en cas d’inexécution partielle ou totale, l’employeur peut juger par lui même que le comportement du salarié ne correspond pas à l’exécution normale du contrat et constitue une faute, et le sanctionner pour cela. La faute du salarié peut ainsi être constituée par le non- respect du règlement intérieur, le refus de se conformer à un ordre de l’employeur, les erreurs ou les négligences commises dans le travail, ou les injures et menaces, ou un manque de loyauté et de discrétion du salarié..

Au titre des sanctions, l’employeur peut adresser un blâme, ou une mise à pied disciplinaire (sans salaire pour le salarié), une rétrogradation, une mutation ou un licenciement pour faute.

Les limites au pouvoir de l’employeur

Pouvoir de direction et modification des éléments substantiels du contrat de travail

Dans le cadre de la gestion de l’entreprise, l’employeur peut être amené à vouloir modifier des éléments déterminantes de la relation de travail (qualification pour favoriser un reclassement après une suppression de poste, baisse des salaires pour assurer la pérennité de l’entreprise en cas de crise économique, lieu de travail habituel en cas de déménagement pour des nouveaux locaux etc). 

Le pouvoir de direction ne peut modifier cependant les éléments substantiels du contrat de travail, c’est-à-dire des éléments qui ont déterminé le consentement du salarié lors de la conclusion du contrat de travail. Il s’agit ici de la qualification (type de poste), de la rémunération, de la durée et du lieu habituel de travail (en l’absence de clause de mobilité).

Alors que le changement des conditions de travail porte sur un élément mineur de la relation de travail, une modification d’un de ces éléments touche au cœur le consentement donné lors de la conclusion du contrat. 

Le principe de la force obligatoire des contrats, posé par l’article 1103  du Code civil, impose qu’un contrat ne peut être modifié que si les deux parties sont d’accord. La modification du contrat de travail ne peut avoir lieu qu’avec l’accord des deux parties, employeur et salarié. L’employeur doit donc obtenir l’accord express du salarié, et donc son consentement à cette modification essentielle. Pour cela, il doit informer le salarié préalablement à cette modification et lui accorder un délai de réflexion suffisant et raisonnable.  Si le salarié ne répond pas dans le délai imparti, il est réputé avoir accepté la proposition.

Lorsque le salarié accepte la modification de son contrat de travail, un avenant au contrat est signé entre les parties et la relation de travail se poursuit aux nouvelles conditions.

Lorsque le salarié refuse la modification, l’employeur peut abandonner son projet ou tirer les conséquences de ce refus. Lorsque le contrat de travail ne peut pas se poursuivre sans être modifié, le salarié pourra être licencié. Toutefois, la cause du licenciement ne peut pas être le refus en lui-même. Un licenciement pour faute est donc exclu. En l’absence de consentement des deux parties, le contrat est rompu.

Le respect des libertés individuelles et collectives

L’article 1121 du code du travail dispose que “Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.”

deux conditions cumulatives sont à réunir

  • L’atteinte aux liberté doit être être justifiée par la nature de la tâche à accomplir ;
  • L’atteinte aux liberté doit être proportionné au but recherché

Surveillance et vidéosurveillance

En vertu de son pouvoir de direction, l’employeur a la faculté d’effectuer une surveillance de l’activité de ses salariés, au temps et au lieu de travail (Cass. Soc. 5 novembre 2014). Cependant, cette faculté doit respecter le droit à la vie privée des salariés.

En pratique, l’installation de caméras sur un lieu de travail se justifie par la nécessité d’assurer la sécurité des biens et des personnes, que ce soit à titre dissuasif ou pour identifier les auteurs de vols, dégradations ou agressions. La vidéosurveillance doit cependant se limiter à filmer les entrées et sorties des bâtiments, les issues de secours, les voies de circulation, ou encore les zones dans lesquelles sont entreposées marchandises ou biens de valeur. Les caméras ne doivent pas uniquement filmer les employés sur leur lieu de travail, sauf dans certaines hypothèses particulières, la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) estime que « le placement sous surveillance continue des postes de travail des salariés n’est possible que s’il est justifié par une situation particulière ou un risque particulier auxquels sont exposées les personnes objets de la surveillance  » (Délib. CNIL, 17 juillet 2017 n°2014-307).

Surveillance et télétravail

L’employeur a le droit de superviser le travail de ses salariés. Cependant, la surveillance de ces derniers doit être justifiée, c’est à dire que l’employeur n’a pas d’autre moyens de realiser cette supervision. Ainsi, en terme de télétravail, les employeurs ont installé pour la plupart des  logiciels de surveillance des emails, des outils collaboratifs, de la navigation sur internet, de la géolocalisation, ou encore la vidéosurveillance via webcam et les enregistreurs de frappe sur le clavier, ou keyloggers. 

La surveillance constante par le biais de dispositifs audio ou vidéo, le partage permanent d’écran, l’utilisation de keyloggers, et l’obligation de cliquer sur une application ou de prendre des photos à intervalles réguliers pour démontrer sa présence derrière son écran sont considérées comme intrusive car l’atteinte aux droits à la vie privée est disproportionnée au regard des objectifs suivis et ne constituent pas le seul moyen pour l’employeur d’exercer son pouvoir de direction. Ainsi, Une vidéosurveillance individuelle, dans le domicile privé, n’est pas nécessaire pour s’assurer de la réalisation d’une tâche, qui peut être évaluée par des rendez-vous ou des comptes rendus d’exécution.

liberté vestimentaire

Dès lors que l’employeur est en mesure de démontrer que le port d’un uniforme est justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché, il peut tout à fait imposer une tenue de travail

  • pour des raisons de sécurité (équipements de protection individuels) ou pour des raisons d’hygiène ;
  • lorsque le salarié est en contact avec la clientèle, pour ne pas apporter atteinte à la crédibilité et l’image de l’entreprise

liberté d’expression

Tout salarié jouit d’une liberté d’expression. A ce titre, l’employeur ne peut interdire certains sujets de discussion de nature politique ou religieuse dans l’entreprise, ou tout sujet extérieur à l’entreprise. De même, le salarié a le droit d’émettre des critiques sur l’entreprise, d’émettre des désaccords sur les décisions de l’entreprise, à l’intérieur comme à l’extérieur de celle-ci. Seule réserve à cette liberté d’expression, elle ne doit pas constituer un abus de droit. Ainsi peuvent être sanctionné tout propos diffamatoire, injurieux, insultant, ou mettant en cause la moralité de son employeur par exemple

Les limites au pouvoir de sanction

L’employeur doit respecter les grands principes du droit

  • on ne peut juger deux fois la même personne pour les même faits
  • la sanction doit être proportionnelle à la faute commise.

Certaines sanctions sont également interdites, comme les amendes et autres sanctions pécuniaires, ou lorsque les sanctions, les sanctions basée sur l’un des motifs (origine, sexe, situation de famille, patronyme…) énoncés à l’article L. 1132-1 du code du travail. De même sont interdites toutes sanction à l’égard d’un salarié victime ou témoin de harcèlement sexuel ou moral…

Le contrat de travail entraîne l’application du droit du travail à savoir la coexistence de règles d’ordre public et de droit négocié. 

Les règles d’ordre public

Une règle d’ordre public est une règle impérative que les parties ne peuvent écarter malgré le principe de la liberté contractuelle. Les contrats sont soumis à certaines règles que les contractants, même s’ils sont d’accord entre eux, ne peuvent écarter. En droit du travail, la durée légale du temps de travail, à compter de laquelle sont effectuées des heures supplémentaires, est de 35h et est d’ordre public. De même, la majoration des heures supplémentaires est d’ordre public.

Mais l’Etat n’a pas le monopole du droit social. En effet, il existe également le droit négocié par le biais du dialogue social entre syndicats patronaux et salariés.

La négociation collective

La négociation collective est la négociation entre partenaires sociaux en vue d’aboutir à une convention collective ou un accord collectif qui aura un effet juridique.

Les différents niveaux de négociation collective

Le niveau de l’entreprise

L’accord collectif d’entreprise est négocié et signé entre la direction de l’entreprise et les représentants des salariés.

Le niveau d’une branche professionnelle

Une branche professionnelle regroupe les entreprises d’un même secteur d’activité et relevant d’un accord ou d’une convention collective. L’accord de branche permet donc de définir des règles adaptées à une même activité professionnelle.

Le niveau interprofessionnel

L’accord national interprofessionnel est négocié et conclu par les représentants des syndicats de salariés et d’employeurs qui signent un texte applicable à plusieurs branches professionnelles. L’existence de grandes confédérations syndicales a favorisé la négociation d’accords collectifs qui dépassent donc le cadre d’une branche d’activité spécifiques. 

La hiérarchie des normes sociales, légales et négociées

Le droit français est fondé sur la hiérarchie des normes. Les normes “basses” comme les décrets doivent être conformes aux lois, qui elle même doit être conforme à à la constitution. Le droit du travail n’y déroge pas. Les relations de travail, qu’elles soient individuelles ou collectives, sont régulées par ce principe.

Les différentes réformes du droit du travail ont abouti à une inversion des normes. Les accords d’entreprise peuvent désormais supplanter les accords de branche dans un sens moins favorable pour les sujets suivants : le contingent d’heures supplémentaires, l’aménagement du temps de travail, les conventions de forfaits, le compte épargne-temps. Exception cependant pour la fixation de salaires minima hiérarchiques,  des classifications, des garanties collectives complémentaires, de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la mutualisation des fonds de la formation professionnelle… les conventions collectives supplantent l’accord d’entreprise si ces derniers sont moins favorables.

La refondation du droit du travail, lancée par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, dite loi El Khomri, a ainsi donné au code du travail une nouvelle architecture dont le but est de favoriser la négociation collective d’entreprise. 

Ainsi par exemple pour la rémunération des heures supplémentaires. La loi pose le principe d’une rémunération supérieure. (principe d’ordre public). Concernant le montant de cette majoration, elle va laisser la négociation collective décider de ce montant, en indiquant une majoration minimale de 10%. En cas d’absence d’accord, la majoration de la rémunération des heures supplémentaires sera de 25%. Les entreprises ont donc intérêt à signer un accord pour une majoration à 10%, ou 15%.

D’un corpus de lois favorisant la protection du salarié en y dérogeant parfois, on passe ainsi à un bloc de légalité qui favorise la performance de l’entreprise.

Le contrat d’entreprise

Le contrat d’entreprise est une convention par laquelle une personne s’oblige contre rémunération à exécuter un travail de façon indépendante et sans représenter son cocontractant. Cela peut être un contrat unique (le plombier répare un lavabo), ou à exécution successive ( un paysagiste est chargé de l’entretien d’un jardin)

Il s’agit donc ici de réaliser une prestation de service de manière indépendante. Être indépendant consiste à exercer pour son propre compte une activité, et donc ne pas représenter le donneur d’ordre. L’indépendant est autonome dans l’organisation de son travail et dans la prise de décisions. Il n’est donc pas soumis au pouvoir de direction du donneur d’ordre, il possède une liberté dans son planning, dans l’organisation de son travail etc. De même, le règlement de l’entreprise ne s’applique pas au prestataire. Les sanctions en cas d’inexécution ou de mauvaise exécution des obligations découlant du contrat ne peuvent pas faire l’objet de sanction disciplinaire, uniquement celles du régime des obligations contractuelles.

Le travailleur indépendant doit faire une déclaration d’existence, c’est-à-dire effectuer des formalités de création : il s’agit de s’immatriculer auprès de la chambre de commerce et d’industrie ou de la chambre des métiers, selon la nature de son activité. C’est le CFE (centre de formalités des entreprises) qui s’occupe des différentes formalités de création et de déclaration.

Le régime juridique d’un indépendant ne constitue pas une présomption irréfragable (qu’on ne peut contredire) d’une indépendance. L’article L8221-6 du code du travail pose une présomption simple selon laquelle sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales, ainsi que les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire, sans oublier les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés…

Cette présomption peut être renversée selon l’organisation du travail retenue, indépendante ou subordonnée. Il s’agit bien de l’analyse de l’organisation du travail et de sa dépendance économique qui détermine si le travailleur, bien que sous statut indépendant, est libre de ses décisions et de l’organisation de son travail.

La requalification du contrat par le juge 

Principe

La Cour de Cassation a permis au juge de requalifier un contrat d’entreprise en contrat de travail au vu des conditions dans lesquelles sont exercées ce contrat.

L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs. Cass. soc., 19 déc. 2000

Ainsi, si une prestation de travail effectuée dans le cadre d’un contrat d’entreprise a été réalisée de manière subordonnée, le juge peut requalifier le contrat. A ce titre, il va procéder selon un faisceau d’indice : liberté ou non dans la fixation des tarifs, de l’organisation, contrôle ou non de  l’exécution des travaux par l’autre partie,  exécution des travaux déterminés unilatéralement par l’une des parties, client unique etc..

le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres, des directives et les horaires, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail. » Cour de cassation, chambre sociale, 13 novembre 1996.

Effets de la requalification

L’indépendant qualifié de salarié bénéficiera des rappels de salaire, d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, mais aussi indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, ainsi que des éventuels rappels d’heures supplémentaires. 

L’entreprise, au-delà ce coût financier, risque également un redressement via l’Urssaf, et des majorations spécifiques qui s’ajoutent aux majorations de retard de droit commun.

Le cas des plateformes numériques

L’évolution du monde de travail a vu se développer des free lance, des prestataires pour le compte de plateformes numériques de livraison (Uber Uber eat, Deliveroo, ou encore des véhicules de transport avec chauffeur (VTC) comme Uber), dont l’indépendance fait souvent question, bien que le régime juridique soit celui d’un indépendant. Ainsi, dans un arrêt du 04 mars 2020, la cour de cassation a requalifié le contrat liant un VTC avec la société Uber de contrat d’entreprise en contrat de travail. “Le chauffeur qui a recours à l’application Uber ne se constitue pas sa propre clientèle, ne fixe pas librement ses tarifs et ne détermine pas les conditions d’exécution de sa prestation de transport. L’itinéraire lui est imposé par la société et, s’il ne le suit pas, des corrections tarifaires sont appliquées. La destination n’est pas connue du chauffeur, révélant ainsi qu’il ne peut choisir librement la course qui lui convient. Par ailleurs, à partir de trois refus de courses, la société Uber peut déconnecter temporairement le chauffeur de son application. En cas de dépassement d’un taux d’annulation de commandes ou de signalements de « comportements problématiques », le chauffeur peut perdre l’accès à son compte. Enfin, le chauffeur participe à un service organisé de transport dont la société Uber définit unilatéralement les conditions d’exercice.”

L’ensemble de ces éléments prouvait donc l’existence d’un lien de subordination juridique, par lequel la société Uber exerçait ses pouvoirs de direction et de sanction envers le chauffeur de VTC. La qualification en contrat de travail, si elle se généralise, peut alors remettre en cause le business model de ses plateformes, dont l’externalisation de la main d’œuvre est un élément clé de leur modèle financier. Par ailleurs, d’autres plateformes comme Lime ont renoncé à recourir à ses juicers (donc des contrats d’entreprises), ce qui leur permet aussi de lutter contre les externalités négatives de cette mise en compétition d’auto-entrepreneurs. (en savoir plus)