Numérique et intelligence collective sciences de gestion et numérique

LE NUMÉRIQUE: FACTEUR DE FLEXIBILITÉ OU DE RIGIDITÉ POUR L’ORGANISATION?

Le traitement des données en informations est effectuée dans les systèmes d’informations des organisations. Les systèmes d’informations, tout en facilitant la communication et la collaboration, influencent l’organisation du travail. 

1/ Le système d’information

Un système d’information peut être défini comme un ensemble de ressources (personnel, logiciels, processus, données, matériels, équipements informatique et de télécommunication…) permettant la collecte, le stockage, la structuration, la modélisation, la gestion, la manipulation, l’analyse, le transport, l’échange et la diffusion des informations (textes, images, sons, vidéo…) au sein d’une organisation.

Un système d’information se construit à partir de l’analyse des processus « métier » de l’organisation et de leurs interactions/interrelations, et non simplement autour de solutions informatiques plus ou moins standardisées par le marché.

Une organisation en processus

Le processus est un ensemble d’activités finalisées par un objectif global matériel (fourniture d’un produit) ou immatériel (fourniture d’un service) destiné à un « client » interne à l’entreprise (service, département, poste de travail) ou externe (client au sens traditionnel, fournisseur, etc.).

Il existe dans l’entreprise de nombreux processus. Mais ceux qui sont majeurs et structurants sont les processus « métier », car ils concernent ce qu’il est convenu d’appeler le « cœur de métier », c’est-à-dire l’activité de base de l’entreprise. Ce sont les processus « métier » qui créent la chaîne de valeurs fournies en définitive au client final.

 La visualisation des processus

Cette représentation est pratiquement indispensable à l’établissement d’un diagnostic et préfigure une phase de critiques, de modification des processus, voire de refonte complète, dans le cadre de l’amélioration des circuits d’information. C’est notamment le cas lorsqu’une entreprise décide de mettre en œuvre un PGI/ERP en son sein. Plusieurs solutions sont possibles. Nous retiendrons les logigrammes (organigrammes) et les schémas de flux.

Ci-dessous, une représentation d’une prise en charge par le client d’une assurance. Le dossier ne sera transmis au responsable indemnisation que si celui-ci est complet. La validation du dossier par le service sinistre détermine le transfert de la demande au responsable. Ensuite, l’avis de prise en charge conditionne le versement des fonds. 

La circulation de l’information au sein des processus

Quelle que soit la nature du processus, son déroulement implique :

  • l’intervention de plusieurs postes de travail ;
  • l’échange d’informations entre ces postes de travail selon un circuit plus ou moins complexe. Chaque processus s’appuie sur un véritable « réseau » le long duquel de multiples informations sont reçues ou créées, puis traitées, calculées, triées, enregistrées et enfin transmises à leurs destinataires.

Les apports des systèmes d’informations sur les organisations

la dématérialisation

La dématérialisation permet de remplacer des supports matériels (papier) par des supports immatériels (numériques). La numérisation limite la perte d’information, le nombre de saisies, d’erreurs lors de cette saisie et favorise l’échange d’informations entre les postes de travail du système d’information. Elle s’intègre dans la gestion électronique des documents (GED).

La GED a pour fonctions la numérisation de masse de documents en papier, mais aussi d’indexation, de classement, de stockage d’information, d’accès (navigation et recherche) et de diffusion des documents en question. Il peut s’agir ainsi de factures  dématérialisées, bulletin de paie etc. Par exemple, la fiche de paie peut être directement mise à disposition de l’employé à travers une interface personnelle et sécurisée, stockée dans le cloud. Il n’est désormais plus nécessaire d’imprimer, de mettre sous pli, d’affranchir et d’envoyer chaque fiche individuellement. 

L’automatisation

L’automatisation des processus ou des flux de travaux (workflow) va permettre de faire réaliser des tâches par des machines avec une participation humaine nulle ou partielle.

L’automatisation permet ainsi de libérer les salariés de tâches inutiles et d’optimiser ce temps de travail vers des tâches à plus haute valeur ajoutée.

Par exemple, pour une facture fournisseur, celle-ci est intégrée dans la base de donnée quelque soit son format PDF, EDI, XML, Factur-X,… Cette facture sera ensuite attribuée au compte fournisseurs, enregistrée, puis ses données seront extraites et transmises à l’ordonnateur (personne chargée du paiement) pour sa mise en paiement. Elle apparaîtra alors dans un tableau de bord, imputée ensuite comptablement lors du paiement après rapprochement de la facture, puis archivée.

L’impact de l’architecture des systèmes d’informations sur l’organisation

Les processus métiers sont généralement regroupés en direction : direction marketing pour le processus marketing, direction des ressources humaines pour le processus RH… Cette organisation, rationnelle et pertinente peut conduire cependant à des directions fonctionnant de manière cloisonnée, poursuivant leurs propres objectifs, sans réelle communication entre les directions, et ce au détriment de l’efficacité de l’entreprise, et donc de sa performance. C’est ce qu’on appelle un fonctionnement en silo.

Les directions peuvent ainsi devenir des structures autonomes dont les objectifs sont parfois opposés. L’objectif de maîtrise des coûts de la direction financière peut se faire au détriment des intérêts de la direction RH, dont l’enveloppe pour les négociations salariales est réduite. Un recours accru à l’intérim peut déstabiliser les équipes de productions etc.

Le fonctionnement en silo limite les interactions entre les individus, et donc leur capacité à agir ensemble pour résoudre des tâches complexes. Le partage de l’information est un préalable au développement d’une intelligence collective.

Les raisons de ce fonctionnement dit en silo sont multiples :

La croissance rapide de l’entreprise : plus le nombre d’employés, de bureaux etc augmente, plus le partage de l’information devient fastidieux

la culture de l’organisation : la culture de l’entreprise peut ne pas favoriser la collaboration entre les services et leurs acteurs. Ainsi les normes, procédures et méthodes ne sont pas unifiées et diffèrent d’un service à l’autre, et aucune politique de management transversal (qui créerait du lien entre les services et les différents niveaux hiérarchiques) n’est mise en œuvre.

l’esprit de corps : les directions génèrent un esprit de corps. Les acteurs d’une même direction parlent le même langage, ont le même objectif et sont solidaires pour l’atteindre ou pour identifier les causes extérieures de leur échec le cas échéant. Le manager a un périmètre d’action bien défini ; il mesure l’atteinte des objectifs de son équipe en contrôlant les personnes l’information, ce qui conforte son pouvoir.

le poids des habitudes :  les départements ont historiquement l’habitude de travailler sur leurs propres dossiers, avec leurs propres outils et sans les préparer au partage (feuilles Excel, outils métier de gestion d’entrepôt ou RH…).

la structure des systèmes d’information : l’architecture du SI peut ne pas être, à l’origine, pensée pour faire circuler l’information. Les applications, appartenant à des plateformes propriétaires séparées, ont formé au fil du temps des couches systèmes qui ne communiquent pas entre elles. Par conséquent, l’information n’est ni centralisée ni unifiée. Ce qui entraîne des doublons, des incohérences, la coexistence de formats non compatibles.

Des SI qui reflètent la structure de l’organisation

Dans les œuvres des années 1980-1990, la composition « classique » des systèmes de l’information d’une entreprise était comme une pyramide des systèmes d’information qui reflétait la hiérarchie de l’entreprise.

Les systèmes qui traitent les transactions fondamentales (remplissage d’un avion, consommations d’une table de restaurant) au fond de la pyramide, suivis par les systèmes pour la gestion de l’information, et se terminant par les systèmes d’information utilisés par la direction la plus supérieure, au sommet. Plus on grimpe dans la pyramide, plus les données sont traitées, transformées et synthétisées en tableau de bord et indicateurs.

CASSER LES SILOS DE DONNÉES : MIDDLEWARE ET PGI

Ces systèmes d’information, historiquement cloisonnés en silo d’information, ont ensuite commencé à communiquer entre eux, soit par des middleware, soit par la mise en place de progiciel de gestion intégré.

Le middleware  (ou intergiciel) est un logiciel tiers qui crée un réseau d’échange d’informations entre différentes applications quels que soient les ordinateurs impliqués et quelles que soient les caractéristiques matérielles et logicielles des réseaux informatiques, des protocoles réseau, des systèmes d’exploitation impliqués. Les bases de données métiers sont intactes, mais communiquent entre elles via des applications front end.

Un progiciel de gestion intégré (PGI) est un logiciel qui permet de gérer les différents processus d’une entreprise, en en intégrant l’ensemble des fonctions (gestion administrative, gestion de la relation client, gestion des ressources humaines, etc.). Le PGI est donc constitué de modules indépendants qui partagent une base de données commune. Il s’agit d’une intégration plus poussée.

Les avantages recherchés sont de standardiser les données partagées et de les partager, ce qui évite de multiples saisies pour une même information.

Les caractéristiques d’un PGI sont :

  • une mise à jour des données en temps réel de tous les modules liés ;
  • une unicité des informations, grâce à la centralisation des données dans une base de données unique ;
  • une identification simplifiée des traitements effectués, puisqu’il est facile de retrouver et d’analyser l’origine de chaque information.

Les impacts d’un PGI sur l’organisation

Les apports d’un PGI

Globalement, un PGI comporte deux types d’avantages : une vision d’ensemble de l’activité de l’entreprise, et la standardisation du fonctionnement des différents métiers au sein d’une organisation.

L’utilisation d’un PGI présente également d’autres avantages :

  • éviter la répétition d’informations entre les différents services de l’entreprise ;
  • faciliter le partage de l’information ;
  • permettre de diminuer le coût de traitement de la gestion d’un processus et donc d’augmenter la performance d’une entreprise ;
  • optimiser la réactivité d’une entreprise et donc augmenter la satisfaction des clients ;
  • réduire les « coûts cachés » dans l’entreprise (erreur, double saisie, non-respect des délais, coût de la non-qualité…).

Les limites d’un PGI

Le PGI a cependant des limites qu’il faut prendre en compte avant sa mise en place :

  • il ne coïncide pas totalement aux besoins de l’entreprise et peut s’avérer très complexe à utiliser ;
  • il rend l’entreprise qui l’utilise totalement dépendante du concepteur du PGI ;
  • il peut s’avérer trop rigide d’utilisation et être incapable de gérer les situations exceptionnelles auxquelles peut être confrontée une entreprise.

La mise en place d’un PGI suppose de redéfinir les missions des différents métiers de l’entreprise. Pour que la mise en place d’un PGI soit un succès, il faut que l’éditeur du PGI (ou la société d’informatique chargée de sa mise en place) adapte les fonctionnalités de l’outil aux besoins de l’entreprise.

PGI sur l’organisation du travail

Du point de vue de l’organisation du travail, le PGI est contraignant, dans la mesure où son fonctionnement dépend de la qualité des données enregistrées et du respect d’un processus précis. Le PGI modifie les tâches des différents métiers de l’entreprise. Le plus souvent, les métiers sont affectés, non pas au cœur de l’activité, mais dans leurs frontières respectives.

Le PGI augmente la responsabilité des utilisateurs car le travail effectué par un salarié sur le progiciel a un impact direct sur le travail des autres salariés.

Les supérieurs hiérarchiques utilisent le PGI le plus souvent pour des tâches de contrôle et de validation des données saisies par les salariés. Le PGI permet aussi d’améliorer la réactivité des décideurs en fournissant une information actualisée en temps réel.

3/ L’évolution du stockage des données : le cloud computing

Le cloud computing ou informatique en nuage est une infrastructure dans laquelle la puissance de calcul et le stockage sont gérés par des serveurs distants auxquels les usagers se connectent via une liaison Internet sécurisée

A/ les principes du cloud

Le principe du cloud est la livraison de ressources (stockage, calculs) et de services à la demande par internet. Il désigne ainsi le stockage et l’accès aux données par l’intermédiaire d’internet plutôt que via le disque dur d’un ordinateur. Il s’oppose ainsi à la notion de stockage local, consistant à entreposer des données ou à lancer des programmes depuis le disque dur.

Ce stockage peut être réalisé en local, sur un serveur interne à l’entreprise ou sur une plateforme de stockage tierce, dans une logique d’outsourcing.

On parle alors de cloud, ce qui correspond à l’accès à des services informatiques (serveurs, stockage, mise en réseau, logiciel) assurés par un fournisseur. Le cloud peut être public (accessible par Internet), privé (accessible uniquement sur un réseau privé ou d’entreprise), ou encore hybride par une combinaison public-privé selon le niveau de confidentialité des données stockées.

Le SaaS (Software as a Service) est un modèle d’exploitation par lequel les logiciels sont installés sur un serveur distant plutôt qu’en local, contre abonnement. Le coût de l’abonnement est, généralement, fonction du nombre de personnes utilisant la solution SaaS (coût des licences des logiciels, de la maintenance et de l’infrastructure). La totalité des éléments est assurée ou stockée par les serveurs du prestataire informatique. Selon la nature des données, les risques liés à l’extra-territorialité du stockage en territoire non national ou non européen (UE), une entreprise privilégiera les prestations d’un PaaS mais sans pouvoir bénéficier des applications.

L’exploitation des données consiste à les extraire de la BDD d’une part et transformer en information intelligible par différents traitements, réalisés via les algorithmes développés par une solution logicielle. Le contrat SaaS permet ainsi de bénéficier de capacités de stockage, la puissance de calcul et d’infrastructures à moindre coût pour les structures. Les principaux domaines d’activités des SaaS sont 

  • le gestionnaire de relation client (CRM) (Salesforce…);
  • les solutions de création de site commerce en ligne (Shopify…) ;
  • la visioconférence (Zoom…) ;
  • la gestion des ressources humaines (type Sage) ;
  • la messagerie et les logiciels collaboratifs (Microsoft Teams, Slack) ;
  • la gestion des achats ;
  • la gestion électronique de documents (GED), comme Docaposte, Nuxéo.

B/ Les apports du cloud

En matière de cloud, c’est l’usage du service qui prédomine la propriété. L’organisation n’a pas besoin d’investir dans ses propres serveurs, ce qui génère des investissements moindres, libère de l’espace dans l’entreprise et la dispense des frais inhérent au serveur (refroidissement, maintenance, mise à jour).

Par sa connection via internet les applications et les données dans le cloud sont accessibles depuis pratiquement n’importe quel périphérique connecté.. Les pannes matérielles n’entraînent pas de perte de données grâce aux sauvegardes réseau. 

C/ Les risques d’utilisation

L’accès aux services est effectué via Internet, l’organisation est donc dépendante de la qualité du débit internet/fibre.

De même, les données sont confiées à des tiers, et l’organisation ne maîtrise pas le lieu d’hébergement de ses données, ce qui peut se révéler problématique pour des données stratégiques ou le respect des dispositions RGPD pour les données sensibles.

4/ Le numérique, facteur de souplesse et de mobilité

Le développement du cloud permet de dissocier le travailleur de son lieu de travail, et a favorisé l’émergence des espace de travail flexible. Ce terme regroupe à la fois le télétravail et les bureaux partagés, qui répond à une double problématique : les entreprises souhaitent optimiser les taux d’occupation de leurs locaux les salariés souhaitent réduire le temps qu’ils passent dans les transports.

A/ Le télétravail

Le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication.

Le télétravail suscite de l’intérêt dans toutes les générations : les jeunes, qui maîtrisent parfaitement les outils digitaux et ont une relation au travail très moderne, les salariés en milieu de carrière avec des enfants, les seniors qui veulent avoir plus de souplesse d’organisation et plus de temps libre

La mise en oeuvre du télétravail peut se révéler bénéfique pour les l’ensemble des parties. Les travailleurs peuvent ainsi gagner en souplesse dans l’organisation de leurs travail et ainsi mieux concilier vie privée et vie professionnelle. Les organisations développent leur attractivité et fidélisent davantage leurs collaborateurs.. « L’équilibre des temps de vie est le troisième critère pris en compte par les candidats dans le choix de leur employeur, rappelle-t-elle. Proposer du télétravail est donc un vrai plus en termes d’attractivité. » Un moyen aussi de renforcer l’engagement. « Un salarié à qui on accorde le télétravail le prend comme une chance. Il aura donc à cœur de montrer qu’on a eu raison de lui faire confiance. » Source le monde

Mise en oeuvre

La mise en oeuvre du télétravail doit cependant suivre quelques principes pour être efficace.

Organiser les plages de télétravail

L’organisation doit développer des règles de fonctionnement: les plages de joignabilité et points de rendez-vous téléphoniques ou en visioconférence, les règles de consultation auprès de ses collègues avant de poser un jour de télétravail mobile, le jour qui ne peut pas être télétravaillé pour permettre à l’équipe de se réunir physiquement…

La mise en place d’un management par objectifs

Le management par objectif implique la communication d’objectifs clairs, individuels et collectifs. Ces objectifs doivent être évaluables.

Favoriser les contacts personnels et le travail collaboratif

Le télétravail ne doit pas aboutir à un isolement de l’individu. Il doit ressentir être partie intégrante du groupe. La communication est basée à 80% sur le communication non verbale, le contact par téléphone, RSE plutôt que par mail est à privilégier. L’adoption de l’agenda électronique partagé par l’ensemble des collaborateurs et managers permet de connaître les disponibilités des différents membres de l’équipe et d’organiser des réunions physiques ou à distance ad hoc avec plus d’efficacité. De même la mise en commun d’informations et données pouvant servir à l’ensemble de l’équipe sur un serveur partagé, un forum de discussion permettant aux collaborateurs de s’entre-aider sous forme de questions-réponses accessibles à tous facilite le travail d’équipe.

Lâcher prise sur les horaires

La clé du succès du travail à distance est le contrat de confiance qui s’instaure entre le responsable, le collaborateur à distance et son équipe. Dans la limite des contraintes de chaque activité, l’organisation doit accepter une certaine flexibilité dans leurs horaires de travail à distance. 

B/ Le Coworking

Le coworking, espace de travail partagé ou parfois bureaux partagés est un type d’organisation du travail qui regroupe deux notions : un espace de travail partagé, mais aussi un réseau de travailleurs encourageant l’échange et l’ouverture. 

Le coworking s’est développé grâce au numérique, les salariés, équipés d’un léger PC et d’un smartphone, deviennent nomades, le travail indépendant se développe. Dans ces espaces cohabitent des free lance, entrepreneurs, mais aussi des salariés en télétravail et des étudiants qui ne souhaitent pas travailler chez eux.