Les contrats ayant la force de loi, les parties ont l’obligation formelle de respecter leurs engagements contractuels. La responsabilité contractuelle est ici la cinquième modalité de sanction de l’inexécution partielle ou totale des obligations contractuelles.
La mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle
La mise en oeuvre de la responsabilité civile implique la réunion de trois éléments :
- L’inexécution d’une obligation contractuelle
- un dommage
- un lien de causalité

Le dommage
L’article 1231-2 du code civil dispose que « les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé » , sauf les exceptions et modifications ci-après. » La nature du dommage indemnisé est donc patrimonial, et exclut tout dommage corporel etc…
De plus, l’article 1231-3 précise que « le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l’inexécution est due à une faute lourde ou dolosive. »
De ces dispositions, le constat est que le dommage, pour être indemnisé, doit être certain et prévisible.
Un dommage certain
Le caractère certain du dommage implique que le dommage soit réalisé, et non pas éventuel ou hypothétique. Le dommage certain s’applique si le contractant a éprouvé une perte (actuelle ou future si son caractère futur est certain) ou a manqué un gain. La Cour de Cassation reconnaît que la perte d’une chance est réparable si
- l’éventualité favorable a existé
- la disparition de l’éventualité favorable est acquise (certaine)
- la chance perdue doit être sérieuse
Un dommage prévisible
Ceci est une différence fondamentale avec la responsabilité civile délictuelle, le dommage n’a pas vocation à être intégralement compensé. Il sera indemnisé à hauteur de ce qui était prévisible par les parties lors de la conclusion du contrat. « le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat […] ». Les cocontractants doivent avoir prévu, pour un contrat de transport par exemple, les quantités des marchandises acheminées, mais aussi leur montant, surtout si ces dernières ont une valeur supérieure au prix moyen des marchandises transportées.
L’exception à ce principe, qui permet un remboursement intégral, reste la faute lourde ou dolosive, qu’on peut définir comme « le comportement d’une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l’inaptitude du débiteur de l’obligation à l’accomplissement de la mission contractuelle qu’il avait accepté» (V. en ce sens Ch. Mixte 22 avr. 2005, n° 03-14112).
L’inexécution d’une obligation contractuelle
L’article 1231-1 du Code civil dispose que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »
Le fait générateur est donc soit une inexécution, soit un retard dans cette exécution.
La faute est directement liée au contrat. Par exemple, lorsque le salarié d’un garage automobile sort le véhicule de l’atelier de réparation le hayon arrière ouvert et que ce dernier est arraché par la porte de l’atelier, il n’y a pas de faute contractuelle. Ici, le contrat portait sur l’entretien du véhicule, qui a été effectué. Le dommage est lui réalisé en dehors du contrat. La réparation du dommage (coffre arraché) sera fondée sur la responsabilité civile extracontratuelle du fait d’autrui, au titre de la responsabilité des commettants du fait de leurs préposés.
Le caractère fautif s’appréciera différemment selon l’obligation qui pèse sur le cocontractant fautif, à savoir une obligation de résultat ou de moyen.
Obligations de résultat et de moyens
Les parties au contrat s’imposent la réalisation d’obligations, mais ces dernières peuvent s’exercer de manière différente.
Dans le cadre d’une obligation de résultat, le débiteur est contraint d’atteindre un résultat déterminé, faute de quoi il n’aura pas rempli son obligation. On peut ainsi citer l’obligation de payer un prix, de délivrer la chose en matière de contrat de vente, fabriquer la chose convenue dans le contrat de louage d’ouvrage, de restituer la chose en matière de contrat de dépôt, de gage ou encore de prêt, ou encore de mettre à disposition la chose et d’en assurer la jouissance paisible en matière de contrat de bail et d’acheminer des marchandises ou des personnes en matière de contrat de transport. On peut ajouter également une obligation de sécurité lorsqu’elle est attachée au contrat de transport de personnes. Le transporteur doit ainsi s’assurer d’arriver à destination, et que les passagers n’en soient pas blessés.
Dans le cadre de l’obligation de moyens, le débiteur s’engage à mobiliser toutes les ressources dont il dispose (en vertu du principe d’exécution de bonne foi ) pour accomplir la prestation promise, sans garantie du résultat obtenu. C’est souvent le cas des professions intellectuelles, médecins, avocats, experts, enseignants etc. Le médecin doit informer son patient du traitement, a l’obligation de le soigner mais pas l’obligation de le guérir. L’enseignant doit instruire, enseigner à ses élèves mais il n’a pas d’obligation de résultat quant à l’obtention d’un examen.
Dans cette logique, le débiteur (avocat enseignant etc) s’engage à mettre en œuvre tous les moyens que mettrait en œuvre un bon père de famille pour atteindre le résultat escompté, mais il ne promet pas le résultat.
Cette distinction relève d’une construction jurisprudentielle, la loi n’indiquant pas nécessairement le régime applicable à une convention donnée. La nature de l’obligation va s’analyser au regard de différents éléments, selon la méthode du faisceau d’indices.
- L’obligation est de résultat lorsque le débiteur (la partie qui doit s’exécuter) a la pleine maîtrise de l’exécution de la prestation due.
- Inversement, l’obligation est plutôt de moyens, lorsqu’il existe un aléa quant à l’obtention du résultat promis
- En pratique, les obligations qui impliquent une action matérielle sur une chose sont plutôt qualifiées de résultat.
Cette distinction juridique implique aussi des modalités de preuve différentes de l’inexécution des obligations. Ainsi, dans le cadre d’une obligation de résultats, il n’y a pas d’agissement fautif à prouver, simplement que le résultat attendu n’est pas réalisé (bien livré en mauvais état par exemple, ou pas de paiement). La faute, dans une obligation de moyens, est à établir. Cette faute peut résulter d’une négligence, d’une imprudence du débiteur, ou de ne pas avoir mis en œuvre l’ensemble des moyens dont-il disposait.
L’obligation de sécurité
L’obligation de sécurité est celle qui impose au débiteur de veiller sur la sécurité d’autrui et de le préserver d’éventuels dommages. Elle est accessoire au contrat, n’étant pas déterminante dans la conclusion du contrat. Introduite originellement dans les contrats de transports (le client devant arriver à destination, et sain et sauf), elle s’est ensuite étendue à une multitude de contrat tels que les contrats d’entreprise, le contrat de travail, les contrats liés à des activités sportives, les contrats d’hébergement et d’accueil du public, le contrat de vente, les contrats de transport…
Il s’agit ici d’une obligation de moyen (à l’exception du contrat de travail). En cas de dommage, il faudra prouver que la partie adverse n’a pas mis en oeuvre l’ensemble des moyens/ressources nécessaires au respect de cette obligation.
Un défaut dans la réalisation de l’obligation de sécurité ouvre une réparation de l’ensemble des dommages (patrimonial et extra-patrimonial).
Un lien de causalité
Le dommage ici doit être la conséquence directe de l’inexécution contractuelle identifiée. L’article 1231-4 du Code civil dispose que « dans le cas même où l’inexécution du contrat résulte d’une faute lourde ou dolosive, les dommages et intérêts ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution. » Le lien de causalité est donc une condition indispensable.
Les cas d’exonération de la responsabilité
L’article 1231-1 du Code civil prévoit que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »
La cause étrangère de l’inexécution : la force majeure
La force majeure est une cause d’exonération totale de responsabilité. art 1128 du code civil. « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. »
Elle doit répondre à deux conditions cumulatives :
Irrésistible : L’auteur du dommage est dans l’incapacité absolue d’empêcher que la cause étrangère ne survienne
Imprévisible: le défendeur n’a pas pu prévoir la réalisation de la cause étrangère et n’a pu prendre les précautions nécessaires pour empêcher la production du dommage, dans la mesure où rien ne lui permettait de l’anticiper.
Cette force majeure peut prendre trois formes :
- Le fait d’un tiers
- Le fait du créancier
- Le cas fortuit Il s’agit d’événements naturels (inondation, tornade, incendie) ou d’actions humaines collectives (grève, guerre, manifestation)
Pour être exonératoire de responsabilité, le fait du tiers, du créancier, ou le cas fortuit doivent présenter les caractéristiques de la force majeure, à savoir être imprévisible et irrésistible.
La cause étrangère du préjudice
Si l’origine du préjudice est issu d’une cause étrangère (fait du tiers par exemple), il n’y a plus de lien de causalité entre le dommage et l’inexécution contractuelle. La défaillance du débiteur n’est donc plus à l’origine du dommage, la responsabilité contractuelle ne saurait être invoquée.
Les aménagements contractuels de responsabilités
la clause limitative de responsabilité
La clause limitative de responsabilité limite la responsabilité du débiteur de l’obligation inexécutée. Elle est valable dans le principe dans les relations contractuelles entre professionnels et permet pour les deux parties d’anticiper les conséquences de l’inexécution de leurs obligations, sauf cas de faute dolosive (faute intentionnelle) ou faute lourde (grave négligence).
la clause pénale
La clause pénale permet d’obtenir une somme à titre de dommages-intérêts en cas d’inexécution d’une obligation de son partenaire sans avoir à intenter une action en justice. La présence de cette clause détermine le montant de la réparation. Ainsi l’article 1231-5 du code civil dispose que « Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre ». A noter que la loi donne la possibilité au juge d’« augmenter ou modérer la peine […] si elle est manifestement excessive et dérisoire ». Ceci constitue une limite à la force obligatoire du contrat.