CEJM Numérique et environnement de l'entreprise

Transformation numérique, E-commerce et plateformes numériques

Initialement, le numérique est une information qui se présente sous forme de nombres associés à une indication de la grandeur à laquelle ils s’appliquent, permettant les calculs, les statistiques, la vérification des modèles mathématiques. Les progrès des technologies de l’information et de la communication reposent pour l’essentiel sur une innovation technique fondamentale : la numérisation. Dans les systèmes traditionnels – dits analogiques – les signaux (radio, télévisions, etc.) sont véhiculés sous la forme d’ondes électriques continues. Avec la numérisation , ces signaux sont codés comme des suites de nombres, eux-mêmes souvent représentés en système binaire par des groupes de 0 et de 1. La numérisation a facilité le transfert, le stockage et la transformation d’informations.

La démocratisation du numérique a transformé l’environnement des entreprises, par  l’essor du e-commerce et de ses pure players, de nouveaux usages, l’arrivée de nouveaux acteurs sur de nouveaux marchés, et de nouveaux comportements d’achats du consommateur. Par exemple, la presse “papier” a dû affronter la chute de ses ventes physiques quand au même moment se développait une presse gratuite en ligne (Slate, Huffington Post, Rue 89), et que les annonceurs et leurs budgets publicité migraient vers le web. Les majors de la musique ont affronté la chute des ventes physiques d’albums avec le développement du MP3. Les besoins des consommateurs de musique ont évolué vers un besoin de mobilité, auquel le streaming et de nouveaux acteurs (Spotify, Deezer) ont su répondre. De même les réseaux sociaux sont devenus incontournables à la fois comme outil de promotion des produits et de l’identité numérique de l’organisation (marketing d’influence, community management…) et désormais de distribution via le social commerce. Les plateformes numériques sont au coeur de cette transformation, qui transforme les chaînes de valeurs.

L’essor du e commerce

Le e-commerce ou commerce électronique regroupe l’ensemble des transactions commerciales s’opérant à distance par le biais d’interfaces électroniques et digitales.

Les différents types d’échanges

Le commerce en ligne a de nombreuses formes, parfois si anodines qu’on peut les oublier. On peut distinguer trois grandes formes d’e-commerce, selon le type de vendeur/acheteur

Les plateformes B2B (business to business)

Il s’agit ici des sites de vente en ligne entre professionnels. Les champs d’activités sont  classiques, de la fournitures de bureau, prestations de paiement, service web, matériel professionnel, goodies promotionnels, les prestataires informatiques (cloud en SAAS…), sans oublier les dépenses publicitaires sur le web etc. Le CA était de l’ordre de 150 milliards d’euros en 2017 en France.

les plateformes B2C (business to consumer)

Ces plateformes mettent en relation des marchands/prestataires professionnels et des consommateurs. On y retrouve les marchands classiques, les achats via Google Play ou l’App Store, mais aussi les achats intégrés comme un nouveau skin sur Fortnite, le streaming, la VOD, Deliveroo, Uber, le playstore de Sony… En 2020, année record, le B2C a franchi la barre des 112 milliards d’euros

C2C (customer to customer)

Dernière catégorie, et non la moindre, les plateformes par lesquelles des marchands/prestataires non professionnels vendent des biens/services à d’autres consommateurs. On retrouve dans cette catégorie tout ce qui relève de la seconde main, comme Vinted, le Bon Coin, mais aussi les plateformes d’intermédiation comme Airbnb, ou des plateformes de niche comme Misterbnb, (logements pour la communauté LGBTQ+)…

PANORAMA DU E-COMMERCE B2C

UNE PRATIQUE DÉSORMAIS ANCRÉE ANCRÉE CHEZ LE CONSOMMATEUR

En à peine vingt ans le e-commerce est devenu un mode de consommation comme un autre pour les consommateurs. Ainsi, 40 millions de Français ont effectué au moins un achat en ligne sur les douze derniers mois.

Cette pratique concerne désormais toutes les tranches d’âges et toutes les catégories professionnelles. Les seniors, souvent représentés comme moins connectés que leur progéniture, recourent à 86% d’entre eux  au e-commerce,  contre 87% de la population en moyenne. Les profils offrant la plus forte appétence pour ce type de distribution restent cependant les 25/34 ans (96,4%), et les catégories socio-professionnelles supérieures (95,8%).

De 49,5 milliards d’euros en 2013, le chiffre d’affaires global du commerce en ligne est désormais de 112 milliards d’euros, soit une hausse spectaculaire de 126% sur la période. Cette croissance insolente n’est pourtant pas le synonyme de la mort annoncée du commerce physique. Le e-commerce représente en 2020 environ 10% du commerce de détail uniquement, et la croissance du e-commerce n’est pas le simple fait des “pure players”, à savoir des distributeurs opérant uniquement en ligne. Il ne s’agit pas nécessairement de nouveaux acteurs qui remplacent les anciens, mais la digitalisation des commerçants physiques, poussés par les différents confinements à accélérer leur transformation.

Les plateformes numériques sont devenus incontournables

En économie, une plateforme est un intermédiaire qui crée un marché en facilitant les échanges et les interactions au sein d’un ensemble cohérent de parties prenantes (une chaîne de valeur, une filière, une communauté d’intérêt, etc.) et en mettant à disposition de ces acteurs des services via une infrastructure digitale.

Par extension, une plateforme est aussi un intermédiaire qui rassemble des groupes et favorise les échanges économiques et sociaux.

Les plateformes peuvent être par exemple :

  • des marketplaces, autrement dit places de marché, comme le sont Amazon, Fnac, Veepee, mais aussi Vinted, le bon coin, qui font rencontrer des offres de bien
  • des plateformes d’interactions Facebook, Snapchat…
  • des plateformes de contenus : Youtube, blogs
  • des services à la demande ; les services sont fournis par un réseau de fournisseurs indépendants comme Uber
  • les plateformes informatiques : Appstore, Google play pour les utilisateurs et les développeurs d’application
  • Les plateformes technologiques, dans lesquelles des briques de logiciel sont utilisables dans des solutions tiers (Microsoft Azure…)

Et bien évidemment, ne pas oublier la première plateforme au monde, le moteur de recherche développé par Google.

Focus sur les marketplace de distribution

Une marketplace dans le cas d’un B to C désigne l’espace réservé par un distributeur sur son site web marchand à des vendeurs indépendants moyennant une commission prélevée sur leurs ventes, en contrepartie des fonctionnalités de sa plateforme d’e-commerce et de son potentiel de trafic.

Cette solution est en fort développement, elle représente  30 % du commerce en ligne en France et 40 % du e-commerce mondial, selon LSA. D’après le cabinet Forrester, elles représenteront 67% des ventes e-commerces en 2022. Selon la lettre aux actionnaires 2021 de Jeff Bezos, pour l’année 2020 Amazon accueillait au niveau mondial 1,9 millions de marchands partenaires sur sa marketplace ce qui représentait 60 % du chiffre d’affaires du géant du e-commerce.

Ce succès s’explique par les bénéfices retirés par chaque partenaire. D’un côté, la plateforme généraliste, établie sur le marché, accroît l’étendue des produits proposés à la vente sans prendre de risque commercial. Il n’est pas propriétaire des marchandises mises en ligne, n’a pas à stocker les produits et l’expédition est laissée au vendeur, sauf arrangements particuliers. Côté vendeur, il bénéficie du trafic et de la visibilité forte de son hébergeur, et génère des ventes additionnelles à celle de son circuit de distribution classique.

Parmi les grandes places de marché, on peut citer Amazon, mais aussi la FNAC et Cdiscount pour les généralistes, Zalando pour l’habillement etc. Carrefour se lance également dans l’aventure de la marketplace alimentaire, marché encore peu développé. Les catégories de produits concernées par ce nouveau programme sont l’épicerie, les boissons, l’hygiène et la beauté ainsi que l’animalerie et la puériculture. Surtout, la place de marché va proposer des biens qui sont de plus en plus recherchés par les consommateurs : bio, sans sel, sans gluten, naturels et locaux. source

Ce succès s’explique par les bénéfices retirés par chaque partenaire. D’un côté, la plateforme généraliste, établie sur le marché, accroît l’étendue des produits proposés à la vente sans prendre de risque commercial. Il n’est pas propriétaire des marchandises mises en ligne, n’a pas à stocker les produits et l’expédition est laissée au vendeur, sauf arrangements particuliers. Côté vendeur, il bénéficie du trafic et de la visibilité forte de son hébergeur, et génère des ventes additionnelles à celle de son circuit de distribution classique.

Parmi les grandes places de marché, on peut citer Amazon, mais aussi la FNAC et Cdiscount pour les généralistes, Zalando pour l’habillement etc. Carrefour se lance également dans l’aventure de la marketplace alimentaire, marché encore peu développé. Les catégories de produits concernées par ce nouveau programme sont l’épicerie, les boissons, l’hygiène et la beauté ainsi que l’animalerie et la puériculture. Surtout, la place de marché va proposer des biens qui sont de plus en plus recherchés par les consommateurs : bio, sans sel, sans gluten, naturels et locaux. 

Focus sur le social media

Les médias sociaux sont des applications web qui permettent la création et la publication de contenus générés par l’utilisateur et le développement de réseaux sociaux en ligne en connectant les profils des utilisateurs. Le champ d’application du terme média social est donc plus large que les simples réseaux sociaux, qui n’en sont qu’une composante.

A ce titre, on peut distinguer quatre familles de média social : 

LA PUBLICATION DE CONTENUS

La marque ou l’enseigne va produire elle-même des contenus, qui ne sont pas uniquement publicitaires, mais aussi utiles ou ludiques pour le consommateur. Il peut s’agir de tutoriels, d’infographies, d’études de cas, de billets de blog, de jeux, vidéos, des contenus communautaires, de comparatifs, de descriptifs produits, conseils d’utilisation etc. 

LE PARTAGE

Les plateformes de partage sont des sites web sociaux d’hébergement de fichiers qui permettent à l’utilisateur de sauvegarder, de partager ses références, que ce soit des photos, des vidéos, de la musique, du contenu etc.. La plus célèbre de ces plateformes est sans conteste Youtube pour les vidéos, mais on peut également citer Soundcloud en musique, FlickR pour les photos sans oublier Twitch pour le gaming. 

LA DISCUSSION

Les applications de messagerie instantanée sont des applications web permettant à un internaute connecté de rentrer en temps réel en communication avec des individus faisant partie d’une liste d’amis préétablie. Le logiciel informe l’utilisateur de la présence en ligne des personnes faisant partie de sa liste et lui permet d’échanger avec eux instantanément des messages textes, vocaux et autres fichiers multimédias. Les applications les plus populaires sont aujourd’hui Messenger et Whatsapp, toutes deux propriétés de Facebook company.

LES RÉSEAUX SOCIAUX

Les réseaux sociaux désigne l’ensemble des sites internet permettant de se constituer un réseau d’amis ou de connaissances professionnelles et fournissant à leurs membres des outils et interfaces d’interactions, de présentation et de communication. Pour la France, 49,6 millions des Français sont des utilisateurs actifs des réseaux sociaux, soit 75,9 % de la population. Ils y passent en moyenne 1h41 par jour. Youtube, Facebook, Twitter et Instagram sont respectivement les plateformes les plus utilisées.

Les plateformes sociales développent désormais des fonctionnalités qui intègrent la totalité du parcours client, de la découverte des produits à leur achat sur l’application, en passant par le service après-vente et la relation client. Ainsi Facebook et Instagram ont intégré dans leurs applications un espace shopping. Pour Instagram, lorsqu’un utilisateur clique sur un produit tagué sur un post, il est redirigé vers une page de description du produit sur Instagram. C’est via le bouton call-to-action de cette page qu’il sera ensuite redirigé vers la page produit du site marchand. Deux clics séparent donc le contenu et la page d’achat du site. 

De même, Snapchat propose de nouveaux formats en réalité augmentée qui permettent aux marques de générer directement des ventes – le taux de conversion des formats AR/VR serait deux fois plus important que celui des formats classiques. À l’instar du « virtual try-on » , ou essayage virtuel, mis en place par des enseignes de mode et de cosmétique comme Gucci et L’Oréal.

Le social media constitue donc pour une entreprise une opportunité de redéfinir leurs relations avec les consommateurs finaux de leurs produits et services. Cependant, les entreprises ne souhaitent pas s’arrêter à cette seule connaissance des besoins de leurs utilisateurs. Elles souhaitent aussi augmenter leurs interactions avec eux, et passer ainsi d’une culture « produit » qui s’arrête trop souvent à la vente, à une culture « services » qui engage les entreprises sur la durée et non plus sur la transaction ( car fidéliser un client est aussi plus rentable), et qui les recentre sur l’usage dans une optique consumer centric. Ceci va se traduire également par la production de contenus par les marques à destination des consommateurs, par la mise en œuvre d’une stratégie de content marketing. Le numérique est aussi un outil de collecte d’informations sur les consommateurs, afin de mieux définir leurs comportements, attentes, intérêts ect.. Parmis les outils de collecte, on peut citer ainsi

Le web tracking : 

Le web tracking est la pratique ou la technique par laquelle un site web collecte, enregistre et partage des informations sur les activités d’un individu sur le web. L’analyse de ces activités (ou l’identification du visiteur) permet de fournir des contenus adaptés aux préférences du visiteur (suggestions d’articles, de contenus).

eye tracking

L’eye tracking désigne les techniques d’étude du regard ou comportement oculaire. L’eye tracking mesure les parcours, les points de fixation et temps de fixation du regard d’un panel d’individus lors d’une tâche ou action donnée. 

Cette technique permet d’analyser l’impact lors de la lecture des publicités ( presse, affichage, etc) (voir eye tracking en publicité) mais aussi l’analyse d’éléments Internet tels que les emails, pages web et applications mobiles. Ainsi,  l’eye tracking a permis d’établir que les comportements de lecture en ligne ne varient pas d’un pays à l’autre vu qu’ils sont avant tout basés sur des réflexes humains. Les tendances actuelles sont aussi influencées par la largeur et la taille de l’appareil utilisé par un internaute. Le mouvement du regard n’est donc pas forcément le même sur un ordinateur, une tablette ou un smartphone. Toutefois, sur la plupart des appareils, le regard suit un mouvement en zigzag, en F ou en E correspondant l’alternance des images et des textes de gauche à droite privilégiée par le site internet. source

Concernant les affichages publicitaires, il permet de s’assurer que les éléments clés (marque, message, produit) ont attiré l’attention des consommateurs. 

le retargeting

Le retargeting est une pratique publicitaire qui consiste le plus souvent à cibler un individu qui a visité un site Internet ou une fiche produit, mais pour lequel il n’y a pas eu achat ou transformation lors de cette visite.

Les pratiques de retargeting les plus courantes sont celles mises en oeuvre par les acteurs du e-commerce. Dans ce cadre, un individu ayant consulté une ou plusieurs fiches produit sans passer à l’achat est ensuite exposé, lors de sa navigation Internet, à des créations publicitaires mettant en avant le ou les produits initialement consultés. Le retargeting peut également être utilisé pour présenter un message plus général à des individus n’ayant pas été jusqu’à la fiche produit, pour relancer des individus ayant abandonné un panier d’achats ou pour des ventes complémentaires auprès des acheteurs. 

les plateformes numériques : une remise en cause des business models traditionnels

Les business models classiques

Le business model désigne la façon dont un projet ou une activité fonctionne et génère des de la valeur, à savoir dans quelles conditions, de quelles manières et avec quels moyens une entreprise envisage de développer et d’exploiter un avantage concurrentiel susceptible de créer et de générer de la valeur.

Le business model peut être formel ou informel. Formel, il décrit de manière précise le positionnement de l’entreprise, mais aussi dans quelles conditions, de quelles manières et avec quels moyens une entreprise envisage de développer et d’exploiter un avantage concurrentiel susceptible de créer et de générer de la valeur.

On distingue différents modèles d’affaires, basé sur l’achat revente, mais aussi la location, l’abonnement, le lock in (vente d’un appareil à faible marge mais qui nécessite des produits exclusifs à la marque et à forte marge  pour fonctionner), l’intermédiation (contre commission généralement) ou encore la gratuité. Cette gratuité ci peut se décomposer en subvention croisée, la collecte de données ou la publicité, ainsi que le don/contre don.

Le business model traditionnel

La valeur est créée à l’intérieur d’une entreprise, elle est linéaire et elle est « à sens unique » (conception à production à distribution à marketing à client). Puis les produits et / ou les services sont créés et vendus par un producteur ou bien un revendeur à un client consommateur, qu’il soit « grand public » ou « professionnel »

Seuls les produits et / ou les services fabriqués ont une valeur intrinsèque, en conséquence l’entreprise se focalise sur les éléments qui différencient son produit. ou son service : des coûts les plus bas possibles et / ou une différenciation par les fonctionnalités (les fameuses stratégies de domaines de Porter).

Ci-dessous, le business model de Michelin sous forme de canva. Les ressources et activités clés sont liés à l’activité de production et de conception de pneumatiques et de services, à l’origine de la proposition de valeur de l’entreprise.

En résumé, dans un modèle classique, la valeur est apportée par l’entreprise, et à son seul profit.

Le business model des plateformes numériques

A rebours du modèle traditionnel, la valeur n’est pas apportée par l’entreprise mais par l’écosystème de cette dernière. Un type d’utilisateurs (un hôtel par exemple)  crée de la valeur pour un ou d’autres types d’utilisateurs (professionnels ou touristes).  La plateforme (ici Booking) facilite les transactions entre les participants.

La valeur d’une plateforme est donc avant tout apportée par sa communauté d’utilisateurs, et l’avantage concurrentiel de la plateforme réside dans le contrôle de l’écosystème par cette plateforme.

Ci-dessous, le business model de Spotify là aussi sous forme de canva. Les compétences et activités clés de l’activité sont sans rapport avec la production musicale d’oeuvres, mais axée sur l’infrastructure numérique de la plateforme permettant la mise en relation entre les maisons de production musicale et les auditeurs.

Ce contrôle de l’écosystème est ainsi déterminé par la capacité de la plateforme d’une part à définir un algorithme qui permet une correspondance efficace entre les fournisseurs et les utilisateurs, tout en fournissent des services pour réduire ou gérer les risques liés aux transactions sur le marché (paiement, exécution normale de la prestation etc), mais aussi par sa capacité à structurer l’écosystème en question et ses innombrables intervenants.

Une remise en cause des business model traditionnels par la structuration des écosystèmes

Le business model des plateformes numériques remet en cause, de manière plus ou moins forte,  le business model traditionnel des entreprises établies sur un marché. Dans cette logique, l’entreprise, qui était alors la seule créatrice de valeur, concourt à la création de valeur au profit d’un tiers, ce qui pose une première question en terme de création additionnelle de valeur, et sans valeur supplémentaire, du partage de cette valeur, qui est alors répartie sur plusieurs acteurs au lieu d’un seul.

La menace pour l’entreprise “traditionnelle” est donc constituée par la capacité de la plateforme numérique à structurer cet écosystème à son profit. Par exemple, Booking a d’abord apporté une visibilité supplémentaire aux hôteliers, avant de devenir l’interlocuteur privilégié des consommateurs, ce qui a autorisé  Booking ensuite d’établir de nouvelles règles de fonctionnement (commissions, conditions d’annulations…) moins favorables.

L’économie collaborative

L’économie collaborative, également appelée «économie de partage» ou « économie de plate- forme », est un phénomène par lequel les consommateurs partagent sous une forme gratuite ou payante l’usage de biens ou services (C2C). L’appariement entre l’offre de biens ou de services et la demande est souvent réalisée par un intermédiaire, telle une plateforme web (et donc un algorithme).

Attention, toute plateforme numérique n’est pas de l’économie collaborative (même si on utilise le terme économie de plateforme). En sont exclues les moteurs de recherche (Google, Bing, ecosia), qui sont des plateformes de référencement et non d’échanges, les réseaux sociaux (Facebook, Instagram ou Twitter), qui offrent à leurs utilisateurs des espaces d’expression ainsi que des canaux d’édition et de transmission de contenus, les répertoires audiovisuels dématérialisés (Spotify, Deezer ou Netflix) qui éditent de leur propre initiative des contenus, ou les mettent à disposition par des accords avec les producteurs de musique ou de cinéma et proposent aux consommateurs des playlists, les applications de communications comme Skype ou Whatsapp, les plateformes de partage de vidéos comme Youtube, les systèmes de paiement comme PayPal

La montée des problématiques environnementales et du développement durable est également un facteur de développement de cette économie, mais aussi les perspectives de croissance faible, le renouveau du rapport à la propriété sans oublier le désir de placer l’individu au cœur de la société.

On peut citer parmis les principaux secteurs : 

  • le logement (AirBnB)
  • les transports (Blablacar, Captain train…)
  • l’alimentation (AMAP)
  • le textile (Vinted)

L’économie collaborative est-elle encore collaborative?

Le principe fondateur de l’économie collaborative était la relation entre pairs, à savoir des consommateurs, des particuliers qui souhaitent arrondir leurs fins de mois. Ainsi Airbnb historiquement avait pour objet de proposer à des particuliers de louer leur domicile sur des durées courtes, autour de valeurs comme l’accueil et le partage, mais le service est désormais “professionnel”, avec des particuliers qui gèrent un parc locatif d’hébergement de tourisme meublé. De même, Uber avec sa politique de VTC mettait en avant des chauffeurs occasionnels, ou pluriactifs. Mais les pratiques de la plateforme (exclusivité, contrôle poussé des chauffeurs, choix de la couleur des véhicules etc) a finalement transformé cette innovation collaborative en nouveau prolétariat défini sous le terme d’Uberisation. 

L’économie de plateforme, ou collaborative, génère en effet de nombreuses externalités sociales. Elle va ainsi favoriser des inégalités sociales, entre par exemple le propriétaire de plusieurs studios/appartements en Airbnb, qui bénéficient d’une rente tout en alimentant une pénurie locative pour les habitants, et les prestataires de services, indépendants, sans couverture sociale, dont les rémunérations sont un élément de coûts à optimiser. En effet l’activité sous-traitée (livraison, transport de voyageur) nécessite souvent beaucoup de main-d’œuvre, d’où une pression pour réduire le coût du travail.Ainsi le prix des courses versés aux prestataires d’Uber, ou de Deliveroo, ne cessent de chuter alors que les plateformes cherchent à développer leurs profits via des commissions accrues.

Plateformes numériques et effets de réseau

L’effet de réseau est le phénomène par lequel l’utilité réelle d’une technique ou d’un produit dépend de la quantité de ses utilisateurs. Plus un réseau compte d’utilisateurs (comme Uber Eat), plus son utilité augmente pour les restaurateurs comme pour les consommateurs.

Dans un marché où l’effet de réseau est dominant, la croissance rapide apparaît plus déterminante que la rentabilité immédiate. En particulier, la détermination de standards technologiques ou marketing, qui détermine ensuite la forme concurrentielle. L’entreprise, qui a développé une innovation, est placée ensuite en situation de position dominante sur son marché, selon l’adage “the winner takes all”, et bénéficie alors d’une rente de monopole.

La stratégie de croissance de Facebook illustre cette dynamique. L’entreprise n’a produit aucun bénéfice pendant les cinq premières années suivant son lancement. Elle a proposé pendant plusieurs années un contenu épuré de toute publicité et ce n’est qu’après avoir définitivement acquis une position dominante sur le marché des réseaux sociaux en 2009, que la plateforme a proposé des contenus publicitaires sans risquer de perdre ses utilisateurs, compte tenu de l’effet de réseau.

Cette position dominante reste problématique. Elle permet de développer ainsi des économies d’échelle extrêmement importantes, qui favorisent les rendements croissants, contrairement à l’économie “réelle” ou la production d’une unité supplémentaire peut à terme se révéler plus coûteuse selon la loi des rendements décroissants (pour produire davantage, l’entreprise doit agrandir son usine, développer une nouvelle unité de production etc). Si l’on exclut les coûts d’acquisition des utilisateurs, une fois l’infrastructure développée, le coût nécessaire à la délivrance d’une unité de service supplémentaire, par exemple, une recherche supplémentaire ou la vente d’une copie d’un logiciel supplémentaire, tend vers zéro. Cette situation est propice à la formation de monopoles naturels, ce qui peut nuire ensuite à l’innovation. Par ailleurs, les plateformes numériques ont la possibilité d’augmenter leur activité sur un secteur où elles possèdent un pouvoir de marché faible, en s’appuyant sur le pouvoir de marché qu’elles détiennent sur leur marché principal. Cet effet levier s’observe par exemple lorsqu’Apple s’introduit sur le marché de l’écoute musicale en ligne en s’appuyant sur la popularité de ses smartphones, où lorsque Facebook utilise son réseau social pour lancer une place de marché en ligne.