La production industrielle, qui est passée d’une production de petite série fin dix neuvième en une production de masse au vingtième siècle, a connu plusieurs évolutions, dictées par la même recherche de performance du système productif, mais qui ont fortement marqué les structures organisationnelles et le management.

Le taylorisme (1890)
L’approche de Taylor consiste à une rationalisation du processus de production, dont les tâches sont déjà divisées. A l’époque, un manque de coordination et d’organisation dans les processus de production pénalise l’efficacité d’une production de masse, l’action des ouvriers se fait au détriment de l’action collective compte tenu des conditions de rémunération. qui poussaient les ouvriers à définir un volume de travail raisonnable plutôt qu’atteindre une production maximale. En effet, payé à la pièce et à la journée, et selon les principes de l’offre et la demande, produire davantage de pièces consistait à augmenter l’offre de pièces et donc faire baisser le prix de la pièce réalisée. Taylor imagine donc une autre manière de travailler, mais aussi de rémunérer les salariés, qui ne seront plus payés à la tâche.

L’approche de Taylor peut se résumer par par l’application de plusieurs principes :
- une analyse détaillée et rigoureuse du processus (gestes, rythmes, cadences, etc.) ;
- l’établissement de la « meilleure façon » de produire (définition, délimitation et séquençage des tâches) ;
- une double division du travail
la division horizontale du travail ( pour éviter les doublons et les ambiguités)

la division verticale, qui se concrétise par une stricte séparation entre la conception par les ingénieurs et la réalisation par les ouvriers)

Le Fordisme (1913)
Développé par Henri FORD lors du lancement de son modèle FORD T, cette approche reprend les travaux de Taylor, dont il a élargi le champ d’application.
- par l’apparition de la ligne de montage (et donc du travail à la chaîne), qui parcellise davantage les tâches. Un ouvrier doit réaliser uniquement une opération, préalablement optimisée (logique du meilleur geste de Taylor). La spécialisation est accrue, quitte à donner aux ouvriers une perte de compétences et d’user physiquement et psychologiquement ces derniers par la réalisation infinie d’une tâche unique.
- la standardisation permettant de produire en grandes séries à l’aide de pièces interchangeables.
- l’augmentation du salaire des ouvriers afin de stimuler la demande de biens et lutter contre le taux de roulement (démission des ouvriers) devenu de plus en plus élevé avec l’apparition du travail à la chaîne, qui rendait les conditions de vie des ouvriers encore plus difficiles qu’auparavant.
Ces deux modes de productions, fordisme et taylorisme, par leur nature structurée verticalement et horizontalement, présentait cependant de nombreuses rigidités pour l’organisation (pas de modularité du système de production, manque de polyvalence des employés, hyperspécialisation qui freine l’innovation ou la novation.
Le Toyotisme (1962)
Créé à l’après guerre pour sauver l’industrie automobile japonaise, par le fondateur de Toyota, Sakichi Toyoda, son fils, Kiichiro Toyoda, et l’ingénieur Taiichi Ōno, le toyotisme est basé sur un système de gestion simple reposant sur cinq éléments:
- réduire les gaspillages (les fournitures étaient alors rares ou coûteuses)
- la recherche d’une qualité optimale sur l’ensemble de la chaîne de production ;
- une gestion des stocks en flux tendus
- la participation des opérateurs aux décisions (diagnostic et solution des problèmes, ce qui contrevient à la distinction fordiste et tayloriste)
- l’amélioration continue du système par l’implication de l’ensemble des salariés.
Un tel système d’organisation permet un décloisonnement des fonctions et des responsabilités ; il allie l’efficacité de production à une certaine reconnaissance psychologique des travailleurs. On leur demande leur avis sur l’entreprise, et ils se sentent donc plus impliqués. Deux ruptures interviennent alors : la prise en compte de l’action collective et une production en flux tirés, dirigés par l’aval (on produit en fonction de la demande et non plus en fonction des prévisions de vente.)
Conséquences de cette organisation industrielle sur le fonctionnement des entreprises
Cette organisation du travail rationnelle imprègne encore de nombreuses organisations, et ce même alors que nos sociétés se sont tertiarisées. La tertiarisation, qui est le développement du secteur des services, s’explique en partie par l’externalisation de tâches réalisées en interne par les industries (comptabilité, restauration collective etc). Parmi cet héritage, trois grandes tendances.
la spécialisation du travail et la nécessaire coordination des agents

La spécialisation horizontale, principale forme de division du travail, est le découpage des tâches d’un processus de fabrication en différentes activités selon l’ordre séquentiel de leur réalisation. Elle a pour conséquence d’améliorer la productivité.
La spécialisation verticale consiste en la séparation stricte des responsabilités entre les activités de production, de conception et de contrôle (administration). Par exemple, le service marketing conçoit les nouveaux produits, la communication, et les commerciaux la vente des produits.
La coordination
La coordination consiste à assurer pour un ensemble de personnes et de tâches, d’une conjonction des efforts en vue d’un objectif commun. Les modalités de cette coordination managériale sont multiples :

L’ajustement mutuel : Il consiste à s’accorder par une communication informelle (discussion, geste…) dans des situations simples comme dans un atelier artisanal ou dans un point de vente, tout comme dans des contextes plus complexes (groupes de recherche, comité de direction).
La supervision directe : par laquelle un supérieur hiérarchique (chef d’équipe ou chef de bureau) transmet ses consignes à ses collaborateurs et contrôle leurs résultats.
La standardisation des procédés : soit la spécification à l’avance des méthodes de travail, des procédures, des étapes d’une démarche. À charge pour les participants de se conformer aux procédés ainsi prédéfinis sans besoin de se concerter avec ses collègues ou de recevoir des directives supplémentaires.
La standardisation des résultats : Les objectifs à atteindre sont fixés à l’avance : L’exécutant garde une certaine initiative sur les mesures à prendre pour y parvenir . Ainsi un livreur reçoit une liste d’adresse et des colis à livrer sans que soient forcément pré-assignés l’ordre des livraisons, ni le trajet à emprunter.
La standardisation des qualifications: définir a priori les savoirs, les savoir-faire, et les comportements attestés par des diplômes ou niveaux de compétence permet de s’assurer a priori que les personnes feront correctement les tâches nécessaires. (démarche qualification en RH)
La standardisation par les normes: coordination imposée à tous les membres de l’organisation, qui peut être rendue nécessaire pour l’obtention d’une certification par exemple.
un fonctionnement hiérarchique
L’organisation industrielle a généralisé le développement de structures organisationnelles hiérarchiques, sous la forme d’une pyramide. La chaîne de commande s’étend du sommet (par exemple, le PDG ou le directeur) à la base (par exemple, les employés aux premier et second échelons), avec un responsable pour chaque employé. On parle alors de top management, de management stratégique, de middle management, de management opérationnel selon la place occupée dans l’organigramme.

Ce type d’organisation, outre sa clarté et des perspectives d’évolution claire, attribue une spécialité à chaque employé, et développe aussi un sentiment d’appartenance entre les employés d’un même service. Corollaire de cette organisation, les employés peuvent être incités à agir dans l’intérêt de leur service plutôt que dans celui de l’entreprise dans son ensemble, et les lourdeurs peuvent ralentir l’innovation ou les transformations de l’organisation.
Cette hiérarchie s’exprime également à travers le processus décisionnel:

Une organisation structurée par des processus métiers
Le processus est un ensemble d’activités finalisées par un objectif global matériel (fourniture d’un produit) ou immatériel (fourniture d’un service) destiné à un « client » interne à l’entreprise (service, département, poste de travail) ou externe (client au sens traditionnel, fournisseur, etc.).
Un processus peut ainsi mêler des flux physiques et des flux d’informations. Les flux physiques correspondent aux transferts de biens ou services (en interne ou à l’externe), comme par. exemple : l’achat de matières premières, le transfert de ces matières dans les différents ateliers de production, le travail des salariés, la vente de produits finis, l’achat d’une prestation de services
Ainsi, dans le processus ci-dessous, nous pouvons identifier les flux physiques entre les achats de matière premières pour la production, l’expédition de la commande, l’entrée du produit dans les stocks etc. Chaque flux physique s’accompagne d’un flux d’information nécessaire à la réalisation de l’étape suivante du processus.

Ainsi, quelque que soit la nature du processus, son déroulement implique :
- l’intervention de plusieurs postes de travail ;
- l’échange d’informations entre ces postes de travail
Les processus métiers structurent les systèmes d’informations
Il existe dans l’entreprise de nombreux processus. Mais ceux qui sont majeurs et structurants sont les processus « métier », car ils concernent ce qu’il est convenu d’appeler le « cœur de métier », c’est-à-dire l’activité de base de l’entreprise. Ce sont les processus « métier » qui créent la chaîne de valeurs fournie en définitive au client final, et autour desquels se sont élaborés les systèmes d’informations.
Un système d’information peut être défini comme un ensemble de ressources (personnel, logiciels, processus, données, matériels, équipements informatique et de télécommunication…) permettant la collecte, le stockage, la structuration, la modélisation, la gestion, la manipulation, l’analyse, le transport, l’échange et la diffusion des informations (textes, images, sons, vidéo…) au sein d’une organisation.
Des SI qui reflètent la structure de l’organisation
Dans les œuvres des années 1980-1990, la composition « classique » des systèmes de l’information d’une entreprise était comme une pyramide des systèmes d’information qui reflétait la hiérarchie de l’entreprise.
Les systèmes qui traitent les transactions fondamentales (remplissage d’un avion, consommations d’une table de restaurant) au fond de la pyramide, suivis par les systèmes pour la gestion de l’information, et se terminant par les systèmes d’information utilisés par la direction la plus supérieure, au sommet. Plus on grimpe dans la pyramide, plus les données sont traitées, transformées et synthétisées en tableau de bord et indicateurs synthétiques, qui sont autant d’outils d’aide à la décision.

Des organisations et des systèmes d’information en silo
Les processus métiers sont généralement regroupés en direction : direction marketing pour le processus marketing, direction des ressources humaines pour le processus RH… Cette organisation, rationnelle et pertinente peut conduire cependant à des directions fonctionnant de manière cloisonnée, poursuivant leurs propres objectifs, sans réelle communication entre les directions, et ce au détriment de l’efficacité de l’entreprise, et donc de sa performance. C’est ce qu’on appelle un fonctionnement en silo. Les directions peuvent ainsi devenir des structures autonomes dont les objectifs sont parfois opposés. L’objectif de maîtrise des coûts de la direction financière peut se faire au détriment des intérêts de la direction RH, dont l’enveloppe pour les négociations salariales est réduite. Un recours accru à l’intérim peut déstabiliser les équipes de productions etc

Les raisons de ce fonctionnement dit en silo sont multiples :
La croissance rapide de l’entreprise : plus le nombre d’employés, de bureaux etc augmente, plus le partage de l’information devient fastidieux
la culture de l’organisation : la culture de l’entreprise peut ne pas favoriser la collaboration entre les services et leurs acteurs. Ainsi les normes, procédures et méthodes ne sont pas unifiées et diffèrent d’un service à l’autre, et aucune politique de management transversal (qui créerait du lien entre les services et les différents niveaux hiérarchiques) n’est mise en œuvre.
l’esprit de corps : les directions génèrent un esprit de corps. Les acteurs d’une même direction parlent le même langage, ont le même objectif et sont solidaires pour l’atteindre ou pour identifier les causes extérieures de leur échec le cas échéant. Le manager a un périmètre d’action bien défini ; il mesure l’atteinte des objectifs de son équipe en contrôlant les personnes l’information, ce qui conforte son pouvoir.
le poids des habitudes : les départements ont historiquement l’habitude de travailler sur leurs propres dossiers, avec leurs propres outils et sans les préparer au partage (feuilles Excel, outils métier de gestion d’entrepôt ou RH…).
la structure des systèmes d’information : l’architecture du SI peut ne pas être, à l’origine, pensée pour faire circuler l’information. Les applications, appartenant à des plateformes propriétaires séparées, ont formé au fil du temps des couches systèmes qui ne communiquent pas entre elles. Par conséquent, l’information n’est ni centralisée ni unifiée. Ce qui entraîne des doublons, des incohérences, la coexistence de formats non compatibles.