CEJM les mutations du travail

L’ARRÊT DE LA RELATION DE TRAVAIL

La liberté contractuelle reposant sur la possibilité de contracter ou non, les parties au contrat ont également la liberté de mettre fin à leurs engagements. Cette rupture peut être à l’initiative du salarié ou de l’employeur. La rupture à l’initiative de l’employeur est qualifiée de licenciement. Ce dernier peut intervenir sur un motif disciplinaire lié à la personne du salarié, en sanction d’une faute rendant impossible la continuation de la relation, ou sans faute mais sur un motif personnel. 

Les changements de l’environnement professionnel peuvent également remettre en cause la relation de travail au point de conduire à la rupture du contrat de travail. Le droit intervient pour protéger les salariés dans le cas d’un licenciement pour motif économique. 

La rupture à l’initiative de l’employeur : le licenciement

Le licenciement pour motif personnel

Le motif personnel est une cause inhérente à la personne du salarié. Le licenciement pour motif personnel doit reposer sur une cause justifiée, réelle et sérieuse. La cause réelle et sérieuse est établie si elle respecte les 3 critères suivants :

  • Elle existe réellement dans les faits
  • Elle est précise et vérifiable
  • Elle est suffisamment importante pour justifier la rupture du contrat de travail

Le licenciement pour faute

Le licenciement pour faute est une rupture pour motif disciplinaire, lié à un comportement/agissement du salarié rendant impossible la pérennité de la relation de travail. Selon la gravité des actes sanctionnés, on distingue traditionnellement trois types de fautes, dont les conséquences sont plus ou moins lourdes pour le salarié.

La faute simple

La faute simple caractérise généralement un comportement fautif dont la gravité peut justifier le licenciement mais pas la cessation immédiate de la relation de travail. Elle est souvent associée à une répétition, comme les retards injustifiés, des erreurs bénignes mais récurrentes, qui ont pu préalablement faire l’objet d’un blâme ou d’avertissements sans que cela ne mette fin au comportement litigieux. Le salarié pourra exécuter son préavis  (Article L1234-1) et percevoir ses indemnités de licenciement, ainsi que ses indemnités compensatrice de congés payés

La faute grave

La faute grave, telle qu’un abandon de de poste, des injures, un état d’ébriété dans l’entreprise pendant les heures de travail, un vol, un refus systématique d’exécuter les directives de l’employeur rend nécessaire le départ immédiat du salarié. Ce dernier ne pourra pas effectuer son préavis et ne percevra aucune indemnité de licenciement, mais récupère son indemnité compensatrice de congés payés.

La faute lourde

La faute lourde se caractérise par la volonté du salarié de nuire à son employeur (diffamation, dégradations, violence physique envers l’employeur, menaces de mort, détournement de la clientèle, divulgation d’informations secrètes ou confidentielles). Son départ est immédiat, sans aucune indemnisation.

Le licenciement en l’absence de faute

Le motif est lié à la personne du salarié sans que celui-ci soit de nature disciplinaire (absence de faute). On relève ainsi l’inaptitude physique (raisons médicales..) par exemple, mais aussi le refus du salarié en cas de modification des éléments substantiels du contrat (lieu habituel de travail, salaire, qualification, temps de travail), si cette modification envisagée par l’employeur n’avait pas une motivation économique, ou encore le licenciement motivé par une insuffisance professionnelle. 

L’insuffisance professionnelle ne relève pas de la faute, le salarié fait des efforts mais ne parvient pas à réaliser correctement ses tâches. Cette absence d’intention, qui consiste à ne pas vouloir ne pas correctement effectuer ses attributions, n’est pas fautive car le salarié est alors de bonne foi.

On peut ainsi citer, comme exemple d’insuffisance professionnelle : 

l’insuffisance de résultats :pour le salarié qui n’a pas atteint ses objectifs, ou le nombre de nouveaux contrats à signer, de ventes à réaliser…

l’incompétence professionnelle : pour le salarié qui ne fournit pas la prestation attendue, ou ne parvient pas à remplir ses fonctions en totalité ou avec la rapidité imposée; comme un comptable qui commet en permanence des erreurs ;

l’inadaptation professionnelle : le salarié ne parvient pas à prendre en compte des évolutions techniques dans l’exécution de ses attributions, malgré les efforts faits par l’employeur pour assurer son adaptation. En effet, un licenciement pour ce motif, dont l’origine serait l’absence de formation adéquate, ou des missions n’entrant pas dans le champ de qualification du salarié serait alors déclaré non valide, l’employeur ne pouvant accuser le salarié de ses propres manquements.

L’insuffisance professionnelle est une source importante de contentieux. Elle doit être fondée sur des faits précis, imputables au salarié et ne pas reposer sur une cause qui lui est extérieure comme des ordres contradictoires de l’employeur, des moyens mis à disposition du salarié insuffisants pour lui permettre de réaliser ses fonctions etc…

Le licenciement économique

Le motif économique est un motif non inhérent à la personne du salarié. L’article L 1233-3 du code du travail dispose ainsi que le licenciement économique doit résulter d’une suppression ou d’une transformation d’emploi ou d’une modification du contrat de travail, refusée par le salarié, consécutive notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, ou encore la cessation d’activité de l’entreprise.

La loi précise les difficultés économiques comme une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, sans exclure tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. La baisse du CA est également encadrée, elle doit être  d’un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés, de deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés, de trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ; et de quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus.

Les obligations de prévention des difficultés économiques de l’employeur

Dans le cas de licenciements pour motif économique, le législateur fait peser sur les employeurs des obligations particulières.

Ainsi, avant d’envisager un licenciement économique, l’employeur doit d’abord réaliser tous les efforts de formation et d’adaptation des salariés aux évolutions de leur emploi, notamment leur employabilité interne (c’est-à-dire de s’assurer que l’on pourra leur confier un autre poste que celui qu’ils occupent actuellement). En cas de non respect de cette obligation, le licenciement est considéré comme sans cause réelle et sérieuse et donne droit à une indemnisation du salarié, la faute de l’employeur lui créant un préjudice.

Dans le même ordre d’idée, l’employeur doit, préalablement à un licenciement pour motif économique, s’efforcer de reclasser les salariés dont les emplois sont menacés. Le reclassement peut être envisagé dans l’entreprise même ou dans les autres entités du groupe, en France ou à l’étranger. Le poste proposé doit relever de la même catégorie ou d’une catégorie équivalente, sauf accord exprès du salarié pour un reclassement sur un poste d’une catégorie inférieure. Le manquement à cette obligation de reclassement ouvre droit, pour le salarié, au versement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans le cas d’un licenciement économique, un plan de sauvegarde de l’emploi est obligatoire dans les entreprises d’au moins 50 salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins 10 salariés sur une période de 30 jours.. Il comprend des mesures de reclassement qui peuvent prendre différentes formes comme par exemple :

  • des opérations de reclassement interne ou externe ;
  • des actions d’aide à la création ou à la reprise d’activité ;
  • des actions de formation et de validation des acquis de l’expérience ;
  • des mesures de réduction ou d’aménagement du temps de travail.

Le licenciement: une rupture régulée et encadrée

Pour protéger les salariés, la loi impose une procédure de licenciement stricte dont le non-respect peut entraîner le versement au salarié d’une indemnité (d’un montant maximum d’un mois de salaire).

La procédure de licenciement

La procédure de base, applicable en cas de licenciement pour motif personnel et de licenciement économique d’un seul salarié, se compose de trois étapes et des délais impératifs.

L’employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable. Cette convocation se fait par lettre recommandée avec avis de réception ou remise en main propre contre décharge. Elle doit intervenir au moins cinq jours ouvrables pleins avant l’entretien. La lettre doit préciser que le salarié peut se faire assister par la personne de son choix.

Pendant l’entretien préalable, l’employeur expose les faits et le projet de licenciement. Le salarié peut s’expliquer et se défendre. C’est le principe du contradictoire.

La notification du licenciement ne doit intervenir que deux jours ouvrables pleins minimum après l’entretien (un mois au plus en cas de licenciement disciplinaire). Dans le cas d’un licenciement pour motif économique d’un seul salarié, elle doit intervenir au moins 7 jours ouvrables pleins après l’entretien. La notification se fait par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette lettre doit exposer, avec clarté et précision, les motifs justifiant la rupture du contrat de travail. C’est elle qui fixe les limites du litige en cas de saisine du juge.

Dans le cas d’un licenciement individuel pour motif économique, l’employeur doit, dans les 8 jours qui suivent la notification du licenciement au salarié, informer la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE).

Dans le cas d’un licenciement pour motif économique de plusieurs salariés, l’employeur est tenu, en outre, de consulter le comité d’entreprise ou les représentants du personnel à l’occasion de plusieurs réunions.

Les effets du licenciement

La présentation de la lettre de notification marque le début du délai de préavis auquel le salarié a droit avant la rupture définitive de son contrat de travail (sauf dans les cas de faute grave ou lourde). Sauf disposition plus favorable (préavis plus long ou ancienneté requise plus courte), la durée de préavis dépend de l’ancienneté du salarié :

  • inférieure à six mois, la durée du préavis est fixée par la loi, la convention collective ou les usages ;
  • comprise entre six mois et deux ans, le préavis est d’au moins un mois ;
  • égale ou supérieure à deux ans, le préavis est d’au moins deux mois.

L’employeur doit également verser une indemnité légale de licenciement, qui  constitue le droit minimal du salarié si celui-ci est  en contrat à durée indéterminée et licencié pour un motif autre qu’une faute grave ou lourde et qu’il compte au moins 8 mois d’ancienneté ininterrompus dans l’entreprise à la date de la notification du licenciement. L’indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

  • Un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans ;
  • Un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans

De plus, si le salarié n’a pas épuisé tous ses droits à congés payés au moment de son licenciement, l’employeur doit lui verser une indemnité compensatrice de congés payés (égale à ce que le salarié aurait perçu s’il avait pris ses congés). De même, si le salarié est dispensé par l’employeur d’effectuer le préavis, il reçoit une indemnité compensatrice de préavis (égale à ce que le salarié aurait perçu s’il avait fait son préavis). Cette indemnité n’est pas due en cas de faute grave ou lourde (puisque ces deux motifs entraînent la rupture immédiate du contrat de travail et privent le salarié du droit à préavis) et si le salarié est dispensé du préavis à sa demande.

Enfin, l’employeur doit remettre au salarié :

  • le certificat de travail ;
  • l’attestation Pôle emploi ;
  • un état récapitulatif de l’épargne salariale ;
  • un reçu pour solde de tout compte.

La rupture à l’initiative du salarié : la démission

La démission est la rupture unilatérale du contrat de travail à l’initiative du salarié. Elle doit résulter de la volonté claire et non équivoque du salarié et ne se présume jamais. Elle n’est soumise à aucune procédure particulière : il suffit au salarié d’informer son employeur de sa décision. Toutefois, le salarié est en principe soumis à un délai de préavis dont la durée est prévue dans la convention collective, les usages ou le contrat de travail. En cas de démission, le salarié perd le bénéfice des allocations chômage, ayant lui même créé sa perte d’emploi, et ce pendant 121 jours, au terme desquels sa situation peut être étudiée si le salarié est toujours demandeur d’emploi. Certains cas de démission sont considérés comme légitime, tels que le changement de résidence  pour suivre son conjoint  qui change de résidence pour un motif professionnel ou en cas d’un mariage entraînant un changement de résidence.

La rupture du contrat à l’initiative partagée : la rupture conventionnelle

La rupture conventionnelle permet à l’employeur et au salarié en contrat à durée indéterminée (CDI) de convenir d’un commun accord des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. (article L1237-11 du code du travail) La rupture conventionnelle individuelle ou collective est possible sous conditions et indemnisation. 

La rupture conventionnelle ne peut être envisagée que par un commun accord. L’employeur ne peut pas imposer une rupture conventionnelle au salarié. De même, le salarié ne peut pas l’imposer à l’employeur. ( La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties, art 1237-11 à nouveau)

Dès lors que la rupture du contrat est envisagée d’un commun accord, la rupture conventionnelle est possible en cas de situation conflictuelle entre le salarié et l’employeur, même lorsqu’une procédure de licenciement du salarié est en cours. Toutefois, la rupture conventionnelle est annulée par le juge si le salarié établit qu’elle a été signée alors que son consentement n’était pas libre. (contexte de harcèlement moral, pressions exercées par l’employeur. 

Un entretien est obligatoire, qui peut être renouvelé, entretien qui doit aboutir à la détermination des conditions de rupture, la date de fin du contrat et la fixation de l’indemnité versée par l’employeur.  Quelle que soit son ancienneté, le salarié qui signe une rupture conventionnelle homologuée perçoit une indemnité spécifique de rupture conventionnelle, à l’issue de la rupture du contrat. Elle ne peut pas être inférieure à l’indemnité légale de licenciement (art 1237-13) Les parties bénéficient ensuite d’un délai de rétractation de 15 jours calendaires. A l’issue de cette période de rétractation, la convention est envoyée pour validation à la Direccte, qui dispose d’un délai d’ instruction de quinze jours. Passé ce nouveau délai, en l’absence de notification de l’autorité administrative, la convention est réputée validée (art 1237-14