CEJM les mutations du travail

Les politiques de l’emploi

Les politiques de l’emploi désigne l’ensemble des actions des pouvoirs publics pour promouvoir l’emploi et in fine lutter contre le chômage. Le chômage relève d’un dysfonctionnement du marché du travail, par un déséquilibre entre la demande de travail (les entreprises etc) et l’offre de travail (les travailleurs). Il s’agit donc d’un stock de travail. 

L’évaluation du chômage

Le chômage au sens du Bureau International du Travail

Selon la définition du Bureau International du Travail, définition retenue pour effectuer des comparaisons internationales, un chômeur est : 

  • est une personne âgée de 15 ans ou plus :
  • sans emploi durant une semaine donnée ;
  • disponible pour travailler dans les deux semaines ;
  • qui a effectué, au cours des quatre dernières semaines, une démarche active de recherche d’emploi ou a trouvé un emploi qui commence dans les trois mois.

Cette définition exclut donc les chômeurs partiels (travailleurs à temps partiel souhaitant travailler davantage), mais aussi les chercheurs d’emploi ne pouvant travailler dans les deux semaines.

La définition du chômeur en catégorie A selon Pôle Emploi est plus large en supprimant le critère de disponibilité, et en prenant en compte les travailleurs à temps partiel (catégorie B et C).

Les inégalités face au chômage

Une inégalité peut se définir comme une différence (favorable ou défavorable) d’accès à une ressource, soit ici  la question des différences d’accès à l’emploi, et à l’emploi stable.

Premier facteur d’inégalité, l’âge. En effet, les 15-24 ans peinent à entrer sur le marché du travail. Leur taux de chômage à la sortie de formation est ainsi deux fois supérieur à la moyenne, quel que soit leur niveau de qualification (47% pour les non diplômés contre 20% des non diplômés âgés de 25 à 49 ans, 10% pour les diplômés du supérieur contre 5% etc).

Par ailleurs, le niveau de formation est discriminant. Le taux de chômage en sortant de formation des non diplômés est presque cinq fois supérieur à celui des diplômés du supérieur. Dix ans après la sortie d’étude, les diplômés du supérieur sont en plein emploi  quand le taux de chômage des non diplômés est supérieur de trois points à la moyenne. Le diplôme n’est pas un rempart contre le chômage, mais il réduit son exposition.

Troisième élément, le type de travail occupé. Les ouvriers non qualifiés sont six fois plus exposés au chômage que les cadres, qui sont en quasi plein emploi.

Le lieu de résidence, et le bassin d’emploi correspondant est également déterminant. Ainsi les régions françaises sont différemment impactées par le chômage, les Hauts de France, l’Occitanie et la région PACA présentent des taux de chômage trois points plus élevés que l’Ile de France, l’Auvergne-Rhône Alpes. Les causes peuvent être le niveau de formation des habitants, les secteurs d’emplois (tourisme, industrie…).

Les différents types de chômages

Au troisième trimestre 2021, le nombre de chômeurs au sens du BIT atteint 2,4 millions de personnes en France (hors Mayotte), en hausse de 52 000 personnes par rapport au trimestre précédent. Il confirme sa décrue observée depuis 2017 et retrouve son niveau d’avant crise sanitaire.

Mais cette situation de chômage est plus complexe qu’il n’y paraît. Elle se décompose en trois éléments, le chômage frictionnel, qui est un volume incompressible lié à l’appariement (délai de rencontre entre l’offre et la demande de travail), le chômage structurel (qui varie peu en fonction de la conjoncture économique) et le chômage conjoncturel, lié au cycle économique. Identifier les différents types de chômage est donc indispensable pour déterminer les réponses économiques et politiques les plus adaptées pour lutter contre ces différents chômages. Pour simplifier, on peut considérer le chômage comme un oignon, dont le coeur est le plus rigide.

Le chômage frictionnel

Le chômage frictionnel, ou chômage naturel, ou chômage incompressible désigne la période de chômage provoquée par la transition et le délai nécessaire à une personne pour trouver un autre emploi, comme une recherche d’emploi, l’envoi de candidatures, le passage de la sélection, la réalisation d’entretiens etc. Son volume est estimé à 3,5%, ce qui implique qu’une économie atteint le plein emploi à ce niveau de chômage. 

Le chômage structurel

Le chômage structurel résulte des difficultés d’ajustement du marché du travail. Ces difficultés peuvent être dues soit à l’évolution des structures démographiques, sociales et économiques (coût du travail, qualification inadaptées à la demande de travail, ou une offre géographiquement éloignée de la demande de travail), soit à l’existence d’institutions inefficaces pour ajuster l’offre et la demande de travail (réglementation du marché du travail, fiscalité, etc.).

Ce chômage est lié à la structure du marché du travail, il n’est pas ou peu réceptif à la conjoncture. En 2020, il représente 2,9% de la population active, impactant davantage les jeunes  et les plus de 50 ans. Plus concrètement, le chômage de longue durée touche 36% des demandeurs d’emploi en France

source OCDE

Ainsi au  3e trimestre 2021, la durée d’inscription à Pôle emploi, mesurée à partir de l’indicateur conjoncturel de durée au chômage (ICDC) s’établit à 325 jours en moyenne, soit presque un an. Cette moyenne cache par ailleurs de très fortes disparités : les plus de cinquante ans restant 577 jours inscrit à Pôle Emploi, et les individus licenciés plus de 470 jours contre 289 jours pour la fin d’un contrat d’interim.

Le chômage conjoncturel

Le chômage conjoncturel est lié au cycle économique, composé de différentes phases : 

L’expansion économique : le taux de croissance économique, mesuré par le PIB, augmente. La demande de travail des entreprises s’accroît, le chômage baisse.

La crise : il s’agit d’un point de retournement brutal de la conjoncture. La période qui suit la croissance est faible, la demande de travail chute. Les missions en CDD et interim s’arrêtent, les entreprises procèdent à des licenciements économiques. Le chômage devient élevé.

La récession : baisse du PIB sur trois trimestres, pouvant dans des cas exceptionnels aller jusqu’à la dépression, caractérisée par une diminution importante et durable de la production avec souvent un mécanisme de déflation (baisse des prix).

La reprise : le taux de croissance redevient positif, le volume de la production augmente, la demande de travail augmente et le chômage baisse. 

La demande de travail est en effet déterminée par la demande anticipée (de biens et de services), qui est la demande adressée aux entreprises et prévue par les entrepreneurs. Si les prévisions d’activités sont fortes, les entreprises vont anticiper la croissance de leur production et embaucher. A l’inverse, si les perspectives sont sombres, elles débauchent.

Ainsi, la baisse tendancielle du chômage s’est interrompue en 2020 avec le confinement, puis la reprise économique a de nouveau stimulé l’embauche et la demande de travail. A noter cependant que la baisse de 7,2% est en trompe-l’oeil, de nombreux travailleurs ayant cessé de rechercher un emploi pendant les confinements (ce qui est une condition pour être comptabilisé comme chômeur).

Les politiques de lutte contre le chômage conjoncturel : LES POLITIQUES DE RELANCE ÉCONOMIQUE

L’objectif d’une politique de relance est de provoquer une reprise rapide de l’économie en cas de crise/récession. 

L’état peut ainsi choisir d’agir en privilégiant la demande de son pays, ou de son offre. 

Agir sur la demande globale (la consommation)

Les politiques de relance appelée politique keynésienne ou politique de la demande sont associées à un soutien de l’Etat, qui va investir dans l’économie en soutenant la demande de biens et de services du secteur privé. Ce soutien peut prendre différentes formes:

  • Augmenter les investissements publics (infrastructures, grands travaux…)
  • Augmenter la  consommation du secteur public, 
  • Favoriser la consommation privée par des baisse d’impôts, ou des aides, allocations, revalorisation des revenus de remplacement ou des retraites

L’Etat, dans cette logique, va utiliser ses ressources financières (ou s’endetter) pour alimenter l’économie. Les sommes investies, en favorisant la reprise économique, ou en soutenant l’activité, devraient alors alimenter la hausse du PIB et favoriser le remboursement de la dette contractée. En effet, si la consommation augmente, l’Etat percevra davantage de TVA, si les revenus des ménages augmentent les prélèvements au titre de l’impôt sur le revenu s’accroissent, de même pour l’impôt sur les bénéfices etc…

Agir sur l’offre (aider les entreprises)

La politique de l’offre vise à soutenir l’activité des entreprises par une simplification administrative (moins de régulation), et une baisse des impôts aux entreprises et de la fiscalité dans son ensemble afin de soutenir la compétitivité des entreprises. Ainsi l’Etat français a soutenu les entreprises par des prêts garantis, fonds de solidarité, remboursement de cotisations, une baisse des impôts de production…

Les politiques monétaires

La politique monétaire est l’ensemble des moyens mis en œuvre par un État ou une autorité monétaire pour agir sur l’activité économique par la régulation de sa monnaie. Cette mission est assurée par la Banque Centrale Européenne. En baissant ses taux directeurs, la BCE va ainsi baisser le coût du crédit, ce qui favorise l’investissement (des ménages et des entreprises) et in fine la consommation globale, et donc la demande anticipée des entreprises. 

Les politiques de lutte contre le chômage structurel 

Accroître la flexibilité du travail

Les entreprises sont soumises à un environnement de plus en plus incertain, face auquel leur capacité à s’adapter est déterminante pour leur compétitivité et répondre aux variations de la demande. Une de ses variables d’adaptation repose sur la gestion du travail. La flexibilité va ainsi s’exercer :

  • d’un point de vue quantitatif externe :faire varier à la hausse ou à la baisse le nombre de travailleurs
  • d’un point de vue quantitatif interne : faire varier le temps de travail en entreprise

L’Etat a ainsi développé depuis 2016 une politique de flexibilisation du marché du travail.

Afin de répondre plus simplement à des besoins temporaires, ont été  créés de nouveaux contrats de travail, plus souple qu’une embauche en CDI ou en CDD classique, comme le CDD de chantier ou d’opération, dont le terme est la réalisation du chantier (et non une durée indéterminée, ou un terme prévu comme pour un CDD), le CDD à objet défini pour les cadres et ingénieurs conclus pour une durée de 18 à 36 mois contre 18 mois maximum pour un CDD (sauf accord de branche). 

Autre élément, une plus grande flexibilité du temps de travail. Celui-ci est déjà annualisé depuis le passage au 35 heures, mais la loi dite El Khomri, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation, donne la primauté aux accords d’entreprises, notamment pour prolonger la durée du temps de travail de 44 à 46 heures sur 12 semaines, réduire le taux majoré des heures supplémentaires (avec un minimum de 10% de majoration contre 25% à défaut d’accord) afin que chaque entreprise puisse faire varier le temps de travail en cas de sur activité.

En 2017, une réforme du droit du travail par ordonnance a aussi plafonné le montant des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif afin de limiter le risque juridique et financier des entreprises, permis les ruptures conventionnelles collectives, autorisé les accords collectifs de déterminer la durée des CDD, instauré la simplification des licenciements économiques…

Présenté comme un projet de flexisécurité à la française, à savoir un dispositif social autorisant une plus grande facilité de licenciement pour les entreprises (volet flexibilité) et des indemnités longues et importantes pour les salariés licenciés (volet sécurité), ces vagues de dérégulations du marché du travail ne peuvent être cependant réellement considérées comme une réelle politique de flexisécurité. En effet, une politique réelle de flexisécurité aurait dû aussi s’attacher à flexibiliser le CDI (et donc l’ensemble de la société, pour l’obtention d’un prêt ou l’accès à la location) et pas seulement l’emploi précaire, et renforcer l’indemnisation des demandeurs d’emploi et leur accompagnement. Or la réforme de l’assurance chômage durcit les conditions d’indemnisations et limite cette indemnisation, dont le montant est pour la majorité des demandeurs d’emplois inférieur au seuil de pauvreté.

Baisser le coût du travail

La rémunération du travail sous forme de salaire est distincte de la notion du coût du travail. En effet à ce salaire s’ajoutent les cotisations sociales. Le coût du travail est ainsi constitué de la rémunération brute et des cotisations patronales, auxquelles on peut également ajouter un ensemble de taxes (formation professionnelle..). Ces cotisations sociales alimentent le financement de la protection sociale française.

Le coût du travail, dans une zone économique de libre échange comme l’Union Européenne et dans un contexte plus global de mondialisation des échanges, impacte donc la compétitivité des entreprises. La baisse du coût du travail aurait alors un double impact : 

  • d’une part, la baisse du coût du travail diminue le coût des nouvelles embauches, ce qui facilite le recrutement
  • d’autre part, la baisse du coût du travail peut générer une baisse des prix, qui entraîne alors une hausse de la demande de biens et de services, donc une hausse de la production, et de nouvelles embauches

Ainsi, les gouvernements successifs, depuis trente ans, n’ont eu de cesse d’exonérer de cotisations patronales les plus bas salaires, qui concernent les personnes les moins qualifiées. A ce titre, on peut citer les allègements dits Fillon, puis le Crédit d’Impôt pour la Compétitivité des Entreprises (CICE) en 2013 sur une échelle allant jusqu’à 2,5 smic, ensuite transformé en 2019 en baisse de cotisations patronales pour un coût de 58 milliards d’€ par an. Les grandes et très grandes entreprises, qui représentent plus de la moitié de l’emploi salarié en France, ont récupéré plus de la moitié du CICE. (source).

Le coût du travail a ainsi été réduit, mais cela se traduit par des effets de trappe sur les bas salaires compte tenu de la progressivité des taux d’exonérations. 

Cependant le bilan est maigre sur le front de l’emploi: les entreprises n’ont pas plus embauché, mais ont reconstitué leurs marges, sans effet notable non plus sur l’investissement, la recherche et développement ou les exportations (source)

A noter également que la baisse du coût du travail a des effets induits. Une trop grande modération salariale oblige l’Etat à compenser les hausses des coûts de la vie, que ce soit par des chèques énergies, chèques inflations, prime d’activité et ce alors même que l’Etat doit compenser le manque à gagner sur les exonérations de cotisations sociales.

Investir dans le capital humain : la formation

La formation s’entend ici au sens large, à savoir la formation initiale (école-collège-lycée-études supérieures) que la formation continue, tout au long de la carrière professionnelle des individus. Ce droit à la formation permet de développer et d’adapter ses compétences aux exigences du marché, et in fine d’accroître l’employabilité des travailleurs, à savoir leur capacité à occuper un emploi. 

Le niveau de qualification s’est fortement accru. alors qu’en 1985, la proportion de bacheliers dans une génération était de 29 % ; elle atteint 81 % en 2018. De même 50% des femmes et 42,7% des hommes âgés de 25 à 34 ans sont diplômés de l’enseignement supérieur contre 24,6% et 23,4% pour la classe d’âge 55-64 ans, évolution qui suit celle de la population active avec le développement des cadres et professions intermédiaires.

Cette formidable évolution masque cependant des inégalités liées à l’origine sociale : 34 % des enfants de diplômés du supérieur ont un diplôme de niveau bac + 5 ou plus contre seulement 5 % de ceux dont les parents sont peu ou pas diplômés. À l’opposé, près d’un quart des personnes dont les parents sont peu ou pas diplômés n’ont aucun diplôme, ce n’est le cas que de 4 % des enfants de diplômés du supérieur. 

En terme de formation continue, seuls 27% des fonds sont adressés aux demandeurs d’emplois. Par ailleurs, la formation professionnelle annuelle concerne un actif sur deux, majoritairement à l’initiative de l’employeur il est vrai, contre un chômeur sur trois. Et parmi ces actifs, 66% des cadres déclarent avoir suivi une formation à objet professionnel en 2018 contre 35% des ouvriers. La formation bénéficie davantage aux plus qualifiés, dans les grandes entreprises ou dans la fonction publique.

Concernant les chômeurs, 29% seulement des formations aboutissent à une certification professionnelle, et 49% auraient aimé se former davantage. source

Afin de favoriser la mobilité professionnelle et l’employabilité, chaque salarié cotise des heures de formations à travers un compte personnel de formation, qui a pris la suite du Droit Individuel à la Formation. Principale innovation, les droits à la formation ne sont plus attachés au contrat de travail (et donc perdu en cas de rupture), mais à l’individu.