Sommaire
- Les politiques conjoncturelles de lutte contre le chômage : augmenter la demande de travail
- Les politiques de relance économique et de soutien de l’activité économique
- La lutte contre le chômage structurel : les politiques actives de l’emploi
- Chômage structurel et politiques passives de l’emploi
D’un point de vue économique, le marché du travail concerne le lieu de rencontre entre une demande de travail (les entreprises) et une offre de travail (les salariés). Le chômage apparaît alors comme l’expression d’un fonctionnement de marché déficient, le chômage étant un excédent de l’offre de travail sur le marché.
On distingue cependant trois types de chômage :
- le chômage frictionnel, qui est un volume incompressible lié à l’appariement (délai de rencontre entre l’offre et la demande de travail). Son seuil constitue le plein emploi
- le chômage structurel (qui varie peu en fonction de la conjoncture économique)
- le chômage conjoncturel, lié au cycle économique.

Identifier les différents types de chômage est donc indispensable pour déterminer les réponses économiques et politiques les plus adaptées pour lutter contre ces différents chômages.
Le chômage conjoncturel est lié à un manque de dynamisme économique (politique conjoncturelle), le chômage structurel est lié à la structure, l’organisation du marché (politique structurelle). On parle alors de politique de l’emploi.
Les politiques conjoncturelles de lutte contre le chômage : augmenter la demande de travail
Si le chômage est un excédent de l’offre de travail, une première solution est d’augmenter la demande de travail. La demande de travail émane des entreprises du secteur privé marchand, des administrations et des organismes privés non marchands (associations…).
La demande d’emploi des entreprises est déterminée par les prévisions économiques de l’entreprise, des prévisions de la demande anticipée des biens et services produits par les entreprises, et de son environnement économique.(inflation, commerce international, tensions géopolitiques, stabilité fiscale et gouvernementale…). Plus l’environnement de l’entreprise est favorable, plus elle peut créer de l’emploi si les perspectives de croissance sont favorables..
Le lien croissance et emploi
La croissance économique se caractérise par une plus forte accumulation des facteurs de production (capital et travail). Plus l’activité est forte, plus la demande de travail augmente.

Il existe ainsi une relation entre la croissance économique et le chômage. Invariablement, plus la croissance est forte et plus le chômage baisse.
On distingue cependant la croissance intensive de la croissance extensive :
- la croissance intensive est basée sur l’augmentation de la productivité du travail ou du capital (ou comment produire plus avec les mêmes quantités de travail et de capital). La croissance intensive n’influence pas la création d’emploi
- la croissance extensive à l’inverse nécessite de mobiliser davantage de capital et de travail. Elle a un effet sur le chômage
On considère ainsi que si le taux de croissance du PIB est supérieur au taux de productivité, la demande de travail augmente.

Les politiques de relance économique et de soutien de l’activité économique
L’objectif d’une politique de relance est de provoquer une reprise rapide de l’économie en cas de crise/récession.

L’état peut ainsi choisir d’agir en combinant des politiques budgétaires et monétaire de soutien de l’économie, en privilégiant d’agir sur la demande intérieure de biens et de services de son pays, ou de son offre.
Les politiques budgétaires
Le soutien de la consommation : la politique de la demande
Les politiques de relance appelée politique keynésienne ou politique de la demande sont associées à un soutien de l’Etat, qui va investir dans l’économie en soutenant la demande de biens et de services du secteur privé. Ce soutien peut prendre différentes formes:
- Augmenter les investissements publics (infrastructures, grands travaux…)
- Augmenter la consommation du secteur public,
- Favoriser la consommation privée par des baisse d’impôts, ou des aides, allocations, revalorisation des revenus de remplacement ou des retraites
Les sommes investies, en favorisant la reprise économique, ou en soutenant l’activité, devraient alors alimenter la hausse du de l’activité, renforcer la demande anticipée de biens et de services et ainsi favoriser l’embauche.

Le soutien aux entreprises : la politique de l’offre
La politique de l’offre vise à soutenir l’activité des entreprises par une simplification administrative (moins de régulation), et une baisse des impôts aux entreprises et de la fiscalité dans son ensemble afin de soutenir la compétitivité des entreprises. Ainsi l’Etat français a soutenu les entreprises par des prêts garantis, fonds de solidarité, remboursement de cotisations, une baisse des impôts de production…
La lutte contre le chômage structurel : les politiques actives de l’emploi
Améliorer le fonctionnement du marché du travail : baisse du coût du travail, et développement de la flexibilité
Le marché du travail, d’un point économique, peut être entravé par l’existence de rigidités qui nuisent à son bon fonctionnement :
- Difficultés à faire varier la quantité de travail à la hausse ou à la baisse en fonction de l’activité (réglementation des CDD, modalités de licenciement, modification du temps de travail..)
- Difficultés à faire varier la nature des postes en fonction de la demande
- Difficultés à faire varier le coût salarial en fonction de la quantité de production (quand l’entreprise vend moins, elle baisse les coûts et les prix pour augmenter ses ventes)
Or les entreprises sont soumises à un environnement de plus en plus incertain, face auquel leur capacité à s’adapter est déterminante pour leur compétitivité et répondre aux variations de la demande. Une de ses variables d’adaptation repose sur la gestion du travail. La flexibilité va ainsi s’exercer :
- d’un point de vue quantitatif externe :faire varier à la hausse ou à la baisse le nombre de travailleurs
- d’un point de vue quantitatif interne : faire varier le temps de travail en entreprise
L’Etat a ainsi développé depuis 2016 une politique de flexibilisation du marché du travail.
Afin de répondre plus simplement à des besoins temporaires, ont été créés de nouveaux contrats de travail, plus souple qu’une embauche en CDI ou en CDD classique, comme le CDD de chantier ou d’opération, dont le terme est la réalisation du chantier (et non une durée indéterminée, ou un terme prévu comme pour un CDD), le CDD à objet défini pour les cadres et ingénieurs conclus pour une durée de 18 à 36 mois contre 18 mois maximum pour un CDD (sauf accord de branche).
Autre élément, une plus grande flexibilité du temps de travail. Celui-ci est déjà annualisé depuis le passage au 35 heures, mais la loi dite El Khomri, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation, donne la primauté aux accords d’entreprises, notamment pour prolonger la durée du temps de travail de 44 à 46 heures sur 12 semaines, réduire le taux majoré des heures supplémentaires (avec un minimum de 10% de majoration contre 25% à défaut d’accord) afin que chaque entreprise puisse faire varier le temps de travail en cas de sur activité.
En 2017, une réforme du droit du travail par ordonnance a aussi plafonné le montant des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif afin de limiter le risque juridique et financier des entreprises, permis les ruptures conventionnelles collectives, autorisé les accords collectifs de déterminer la durée des CDD, instauré la simplification des licenciements économiques…
Présenté comme un projet de flexisécurité à la française, à savoir un dispositif social autorisant une plus grande facilité de licenciement pour les entreprises (volet flexibilité) et des indemnités longues et importantes pour les salariés licenciés (volet sécurité), ces vagues de dérégulations du marché du travail ne peuvent être cependant réellement considérées comme une réelle politique de flexisécurité. En effet, une politique réelle de flexisécurité aurait dû aussi s’attacher à flexibiliser le CDI (et donc l’ensemble de la société, pour l’obtention d’un prêt ou l’accès à la location) et pas seulement l’emploi précaire, et renforcer l’indemnisation des demandeurs d’emploi et leur accompagnement. Or la réforme de l’assurance chômage durcit les conditions d’indemnisations et limite cette indemnisation, dont le montant est pour la majorité des demandeurs d’emplois inférieur ou proche du seuil de pauvreté.

Baisser le coût du travail
La rémunération du travail sous forme de salaire est distincte de la notion du coût du travail. En effet à ce salaire s’ajoutent les cotisations sociales. Le coût du travail est ainsi constitué de la rémunération brute et des cotisations patronales, auxquelles on peut également ajouter un ensemble de taxes (formation professionnelle..). Ces cotisations sociales alimentent le financement de la protection sociale française.

Les bénéfices attendus de la baisse du coût du travail
Le coût du travail, dans une zone économique de libre échange comme l’Union Européenne et dans un contexte plus global de mondialisation des échanges, impacte donc la compétitivité des entreprises. La baisse du coût du travail aurait alors un double impact :
- d’une part, la baisse du coût du travail diminue le coût des nouvelles embauches, ce qui facilite le recrutement
- d’autre part, la baisse du coût du travail peut générer une baisse des prix, qui entraîne alors une hausse de la demande de biens et de services, donc une hausse de la production, et de nouvelles embauches.
Le débat revient régulièrement sur le niveau du SMIC. Le salaire minimum peut être considéré comme un frein à l’embauche des personnes peu ou pas qualifiées, car son niveau serait supérieur au salaire d’équilibre. Dans une analyse néoclassique du marché, à savoir une une concurrence pure et parfaite, lorsque l’offre est supérieure à la demande, les offreurs (les travailleurs) se font concurrence pour vendre leur force de travail en baissant le prix qu’ils proposent ce qui permet d’augmenter la demande de ces produits et de réduire l’offre. Le prix baisse jusqu’à ce que les quantités offertes et les quantités s’équilibrent : le marché fixe ainsi le prix d’équilibre qui établit les quantités échangées.

Les politiques d’exonération de cotisations sociales
Le salaire est encadré par la loi, et ne peut fluctuer au gré des besoins de l’entreprise. Pour baisser le coût du travail, les gouvernements successifs, depuis trente ans, n’ont eu de cesse d’exonérer de cotisations patronales les plus bas salaires, qui concernent les personnes les moins qualifiées. A ce titre, on peut citer les allègements dits Fillon, puis le Crédit d’Impôt pour la Compétitivité des Entreprises (CICE) en 2013 sur une échelle allant jusqu’à 2,5 smic, ensuite transformé en 2019 en baisse de cotisations patronales pour un coût de 73 milliards d’€ par an en 2024.

Les grandes et très grandes entreprises, qui représentent plus de la moitié de l’emploi salarié en France, ont récupéré plus de la moitié du CICE. (source). Le coût du travail a ainsi été réduit, mais cela se traduit par des effets de trappe sur les bas salaires compte tenu de la progressivité des taux d’exonérations.
Cependant le bilan est maigre sur le front de l’emploi: les entreprises n’ont pas plus embauché, mais ont reconstitué leurs marges, sans effet notable non plus sur l’investissement, la recherche et développement ou les exportations (source)
A noter également que la baisse du coût du travail a des effets induits. Une trop grande modération salariale oblige l’Etat à compenser les hausses des coûts de la vie, que ce soit par des chèques énergies, chèques inflations, prime d’activité et ce alors même que l’Etat doit compenser le manque à gagner sur les exonérations de cotisations sociales.
Adapter l’offre de travail à la demande : formation et développement des compétences
Depuis des décennies, la France connaît un problème structurel de chômage de longue durée. Parallèlement, des tensions de recrutement dans de nombreux secteurs : les activités scientifiques et techniques (ingénieurs…), l’information et communication (développeurs, sécurité des systèmes d’information), le transport, la construction (BTP)…

Les difficultés sont de plusieurs natures
- un manque de main d’oeuvre qualifiée pouvant répondre à la demande
- une offre de travail ne correspondant pas aux besoins du marché
- des transitions professionnelles insuffisantes des secteurs peu recruteurs vers des secteurs en tensions
- une distance géographique entre l’offre et la demande d’emplois
Une solution pour rapprocher les caractéristiques de l’offre de travail de la demande passe l’adaptation des compétences aux besoins du marché via des actions de formations.
La formation s’entend ici au sens large, à savoir la formation initiale (école-collège-lycée-études supérieures) que la formation continue, tout au long de la carrière professionnelle des individus. Ce droit à la formation permet de développer et d’adapter ses compétences aux exigences du marché, et in fine d’accroître l’employabilité des travailleurs, à savoir leur capacité à occuper un emploi.
La formation (initiale ou professionnelle) est déterminante d’une part pour que les caractéristiques de l’offre de travail corresponde à la demande des entreprises, et stimule donc l’employabilité (capacité des salariés à occuper un emploi).
La formation permet également de développer l’innovation, la recherche et développement, la qualité, et donc une compétitivité hors prix des entreprises, et qui permet de limiter les modérations salariales.
Investir dans le capital humain est donc une nécessité pour transformer le marché du travail et lutter contre le chômage
Chômage structurel et politiques passives de l’emploi
Les politiques passives de l’emploi visent à rendre le chômage humainement supportable et/ou réduire la population active. A ce titre, on y retrouve la mise en œuvre d’indemnisation des chômeurs via l’allocation chômage.
D’autres éléments peuvent intervenir, tel que le fait d’abaisser l’âge de la retraite (comme de 65 à 60 ans en France en 1982), ou encore le partage du travail par la réduction du temps de travail (loi Aubry en France avec les 35 heures). La tendance actuelle est inverse, avec le passage de la retraite de 60 à 62 ans, puis 64 ans, la suppression des dispenses de recherches d’emploi pour les seniors, la fin des retraites anticipées, ce qui a amélioré le taux d’activité des 55-65 ans, mais pas nécessairement leur taux d’emploi.

